Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/324

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la logique pressante de son ami et accumulant les objections contre la théorie métaphysique des rapports ou relations. Nous n’aurons garde de discuter en ce moment toutes ces théories dont nous avons déjà parlé dans notre Psychologie de l’effort où quelques courts extraits de la correspondance ont trouvé place sous forme de citations. Il serait à désirer qu’une plume patiente nous fît enfin connaître la psychologie d’Ampère, que la publication de Barthélemy-Saint Hilaire permet seulement d’entrevoir. Les documents qui suivent seraient des matériaux utiles ; mais il faudrait commencer par restituer dans leur intégrité et dans leur ordre exact les lettres d’Ampère en mettant en regard les réponses de Maine de Biran.

« Tu verras comment on se sert de mes idées sans me nommer[1] », écrit Ampère, non sans dépit, en parlant d’un ouvrage de V. Cousin. Maine de Biran dit la même chose, mais en grand seigneur et sans récrimination : « Le certain Cousin dont vous me parlez est un jeune élève de M. Royer-Collard qui l’a chargé provisoirement de faire son cours de philosophie d’après les mêmes errements ; il professe la philosophie de Th. Reid qui est certainement la plus sage, si elle n’est pas la plus savante et la plus élevée… Le jeune Cousin à contracté avec moi dans ces derniers tems une affinité particulière et je m’honore d’avoir quelque influence sur la direction de son cours. Vous voyez donc que, s’il chasse sur mes terres, c’est de mon plein consentement ; j’ai ma bonne part du gibier, car mon livre sera beaucoup mieux entendu par ses disciples que par ceux de Condillac. On verra ce que j’ai ajouté à la philosophie de Reid qui est à mon avis un point de départ bon et solide[2]. » Le lecteur verra mieux que nulle autre part dans cette correspondance quelle a été l’influence profonde de Biran et d’Ampère sur la philosophie de notre siècle. Les discussions auxquelles nous assistons grâce à elles sont précisément celles dont V. Cousin se faisait dans son cours l’écho sonore. Mais V. Cousin se croyait grand philosophe et ne voyait dans ses deux amis que de savants amateurs : à la grande colère d’Ampère, il empruntait, modifiait, gâtait ; et surtout il dédaignait de rendre à César ce qui appartenait à César. Ces notes, bien interprétées, seront donc aussi intéressantes pour l’histoire de la philosophie dans notre siècle que pour la philosophie même. Nous les publions sans commentaire.

  1. Lettre à Brédin, 2 septembre 1817 (publiée par M. H.-C. Chevreul).
  2. Lettre à M. Lacoste, 6 août 1816 (publiée par M. Fonsegrive dans les Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux).