Page:Revue de métaphysique et de morale - 1.djvu/446

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expérimentons sont susceptibles de se répéter identiquement et indéfiniment. C’est à cette seule condition que nous pouvons découvrir les lois. En fait, nous sommes persuadés qu’il n’y a pas deux phénomènes identiques dans le temps, mais nous raisonnons et nous expérimentons comme s’il en était ainsi et nous en postulons, par conséquent, la possibilité. Une loi exprime une uniformité de succession ; il faut, évidemment, que la même succession soit observée plusieurs fois pour qu’on puisse en inférer son uniformité. « Reconnaître des lois, dit Spencer, c’est reconnaître l’uniformité des rapports entre les phénomènes… À quelque degré qu’on soit arrivé dans la connaissance des rapports uniformes, les mieux connus sont ceux qui ont frappé l’esprit le plus souvent et le plus fortement. La constance et la régularité que nous supposerons entre les phénomènes successifs seront proportionnées en partie au nombre de fois qu’une relation sera présentée non seulement à nos sens, mais encore à notre conscience. » Et, parmi les principes qui guident l’esprit dans la découverte des lois, il cite : « la fréquence absolue avec laquelle les relations se présentent » et « la fréquence relative des phénomènes »[1].

La science physique, étant constituée par un système de lois, peut donc se définir un système d’uniformités de relations. Elle substitue au monde concret de la diversité dans le temps et dans l’espace un monde abstrait de la similarité et de l’identité dans l’espace et de la répétition intégrale dans le temps. Le mouvement lui-même, pouvant se définir au moyen de la répétition, le cosmos, tel que le conçoivent le géomètre et le physicien, est le monde de la répétition intégrale. Que devient alors, dans cette hypothèse, l’histoire du monde extérieur ? Les multiplicités de succession apparaissent comme des multiplicités périodiques, composées de groupes identiques d’éléments identiques, comme des séries de répétitions juxtaposées dans un milieu homogène : le temps géométrique ou physique. Ces séries, dans le temps, sont comparables à des sinusoïdes dans l’espace. La sinusoïde, divisible en segments identiques, est exactement connue et définie par la connaissance et la définition d’un seul de ses segments. De même, une multiplicité périodique ne nécessite, pour être complètement décrite et étudiée, que la description et l’étude d’une seule de ses périodes. Par conséquent, si le monde

  1. Classification des sciences. Trad. française, p. 139 et suiv.