Aller au contenu

Page:Revue de métaphysique et de morale - 14.djvu/248

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
revue de métaphysique et de morale.

donc en définitive la conformité aux lois de la logique « qui seule fait le prix de L’édifice construit » (p. 817).

M. Poincaré parle de « la logique de Russell » et l’oppose à la Logique d’Aristote, comme si M. Russell était le premier qui ait osé dépasser le champ de la logique aristotélicienne. Il parait d’ailleurs avoir une notion inexacte de ce dernier, quand il dit : « la logique des propositions de M. Russell est l’étude des lois suivant lesquelles se combinent les conjonctions si, et, ou et la négation ne pas. C’est une extension considérable de l’ancienne logique » (p. 826). Je puis assurer à M. Poincaré qu’Aristote connaissait déjà les conjonctions si, et, ou, et la négation, et qu’il en a tenu compte dans sa Logique. Tous les logiciens classiques ont connu et étudié les jugements hypothétiques (où figures si), copulatifs (où figure et), disjonctifs (où figure ou) ; et la Logique classique a toujours admis des jugements négatifs. Que si M. Poincaré veut dire que M. Russell est le premier qui ait traduit ces jugements en symboles et les ait soumis à un algorithme, il se trompe encore d’un demi-siècle au moins : car c’est à Boole (sans parler des précurseurs) que revient cet honneur. Ce n’est donc pas M. Russell qui a « adjoint » à la syllogistique « les conjonctions et et ou », et qui a ainsi « ouvert à la logique un domaine nouveau » (p. 826).

M. Poincaré croit établir une différence capitale entre les deux logiques en remarquant que « les symboles se sont multipliés et permettent des combinaisons variées qui ne sont plus en nombre limité », et il ajoute : « A-t-on le droit de donner cette extension au sens du mot logique ? » (p. 828). Il semble donc que pour lui la Logique soit caractérisée par le nombre limité des combinaisons qu’elle admet. Mais nous ne voyons pas qu’il y ait là une différence radicale. Dans quel sens, au surplus, l’ancienne Logique n’admettait-elle qu’un nombre limité de combinaisons ? S’agit-il du nombre des modes valables du syllogisme ? Mais la Logique moderne, elle aussi, n’admet qu’un nombre limité de types simples de raisonnement. S’agit-il, au contraire, de la diversité infinie des raisonnements complexes que l’on peut obtenir en combinant ces types ? Mais la Logique classique pouvait, elle aussi, former une infinité de raisonnements en combinant les syllogismes. Dans tous les cas, les deux Logiques ont le même caractère, et ne diffèrent que du plus au moins. Au surplus, en quoi le nombre importe-t-il en cette matière ? Si un principe logique est vrai, que ce soit le principe du syllogisme ou tout autre,