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résulter de la preuve même, de façon que deux vérités apparaissent en même temps, ce que c’est positivement que perfection, et que l’être parfait existe ; faute de quoi on sera condamné à enrichir après coup et par des méthodes détournées la notion pourtant la plus pleine de toutes, puisqu’il n’y doit rien manquer.

Il s’agit donc, pour notre auteur, de passer de l’essence à l’existence, mais en allant au détail, depuis l’essence la plus simple et la plus abstraite de toutes, jusqu’à l’être même, et en cherchant, à chaque degré, et qui manque à notre essence, ce en quoi elle est imparfaite, ce dont elle a besoin pour être connue. « Conférer la primauté ontologique à l’abstrait, et par conséquent commencer par lui attribuer, au lieu de son caractère de fragment et d’élément, le caractère de se suffire à soi-même ; le représenter comme attendant avec patience que la réalité s’ajoute à lui du dehors absolu et après coup, comme un supplément dont il n’aurait pas en lui le besoin, c’est renverser la raison[1] », Ainsi n’oublions pas qu’abstrait veut dire exactement séparé ; que l’abstrait ne peut être pensé sans autre chose ; et que ce qui ne peut être pensé en soi ne peut être dit exister en soi. Chercher done ce qui manque à l’abstrait, et enrichir peu à peu la notion la plus abstraite, en y ajoutant ce dont elle a besoin pour être conçue, c’est un moyen infaillible d’arriver comme par degrés au concret, c’est-à-dire au réel, tout en définissant au passage les abstraits principaux qui sont les éléments de toute pensée réelle.

Pensons donc l’être parfaitement pur et vide ; pouvons-nous le penser seul ? Non, pas plus que nous ne pouvons penser le néant seul : « l’être exclut le néant et le néant exclut l’être, mais il est impossible de trouver aucun sens à l’un ou à l’autre en dehors de cette fonction d’exclure son opposé ». Et puisque les deux opposés n’ont de sens que l’un par l’autre, il faut qu’ils soient pensés ensemble. Cette pensée des deux opposés ensemble, c’est la Relation. Ainsi l’Être n’est pas pensé en soi, mais dans la Relation ou le Rapport.

Le Rapport peut-il être pensé en soi ? Non. Il n’a de sens, lui aussi, qu’avec son opposé. Qu’est-ce que Rapport ? C’est impuissance d’être l’un sans l’autre ; l’opposé du Rapport, c’est la nécessité d’être, en quelque façon, l’un sans l’autre. Ce nouveau Rapport, car c’est encore un Rapport que d’être l’un sans l’autre, c’est le Nombre. Mais la Relation et le Nombre sont des opposés qui s’appellent et

  1. P. 401.