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E. Chartier.Éléments de la représentation par Hamelin.

qui n’ont de sens que s’ils sont pensés ensemble de quelque façon. Il y a donc nécessairement un Rapport qui est à la fais et invinciblement liaison et dispersion ; liaison, c’est-à-dire continuité ; dispersion, c’est-à-dire négation de toutes les parties par celle qui se pose ; et ce Rapport mouvant, où chaque terme repousse tous les autres dans le néant, n’est autre que la série successive, unique et irréversible qu’on appelle Temps. Ces caractères peuvent-ils être pensés en soi ? Non. Ils ne se comprennent, à leur tour, que par leur opposition à des contraires ; il faut donc que nous pensions aussi le contraire du continu temporel, c’est-à-dire des séries simultanées, multiples et réversibles ; et voilà l’Espace. Observons bien comment notre être abstrait s’enrichit peu à peu. Le ressort de notre dialectique, c’est qu’une notion en suppose une autre avec laquelle il faut la penser, si on la pense ; ainsi nous pensons nécessairement l’Être, le Rapport, le Nombre, le Temps et l’Espace, tout cela ensemble. L’Être est donc déjà moins abstrait, plus plein, plus près du réel, qu’il n’était tout à l’heure.

Il faut maintenant voir comment nous penserons ensemble les deux opposés Temps et Espace ; car aucun d’eux ne pouvant être pensé sans l’autre, il faut bien quelque rapport dont ils soient les éléments inséparables ; ce rapport, c’est le Mouvement ; c’est dans la pensée du mouvement que le Temps et l’Espace sont réellement noués ; le mouvement est donc un abstrait moins abstrait, qui nous conduit vers le réel, ou plus exactement qui, en s’ajoutant au Nombre, au Temps et à l’Espace pour déterminer l’Être, y ajoute un élément nécessaire, et nous rapproche de l’Être complet ou parfait.

Le mouvement est, par excellence, la chose composée, puisqu’il « multiplie l’une par l’autre la composition temporelle et la composition spatiale ». Composé est corrélatif de simple ; si donc nous voulons penser le composé il faut que nous pensions en même temps le simple, mais le vrai simple, « ce qui est indifférent à la juxtaposition sous toutes ses formes, Temps, Espace ou Mouvement ». Il faut donc que le simple, une fois donné, se retrouve tout entier dans toute partie aussi petite que l’on voudra ; et telle est la qualité, car un bleu n’est pas moins bleu sur une petite surface que sur une grande, et un bleu qui dure peu n’est pas moins bleu qu’un bleu qui dure longtemps. Le simple ainsi défini, à sa place, et comme le corrélatif du composé, s’ajoute donc nécessairement au composé, le complète et l’enrichit. Et, comme le composé c’est le Mouvement, il