Page:Revue de métaphysique et de morale - 15.djvu/810

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
802
revue de métaphysique et de morale.

pas complètement possible[1]. Ce que nous pensons, c’est toujours un mécanisme déterminé et limité, c’est-à-dire un système ; et il n’y a point système si le tout ne détermine en quelque façon ses parties. La causalité, réduite à elle-même, n’était donc pas apte à recevoir l’existence ; il y manquait plus d’une condition. En la déterminant par la définition de la finalité, nous sommes, en quelque sorte, sur le bord du possible et tout près de l’existence, nous ne pouvons pas faire la synthèse de ces opposés sans produire par là une dernière raison d’être. Unir la causalité et la finalité, cela n’est pas possible dans l’abstrait ; la liberté seule peut contenir ces deux opposés, et elle se définit par leur union. Il faut que le possible soit fait être, et, « ce qui fait réellement, c’est la synthèse de la cause et de la fin, la volonté[2] ».

Mais construisons avec un peu plus de précautions cette notion synthétique, où toutes les raisons d’être sont enfin réunies. L’union de la causalité et de la finalité se définit aisément comme système agissant[3], mais système agissant formant un tout complet, c’est-à-dire concret, qui existe sans avoir son existence dans autre chose, corrélation pourtant et rapport, comme tout ce qui est pensé, mais rapport qui ne nous renvoie pas à autre chose, rapport, donc, de soi avec soi. Mais aussi le système agissant ne doit être défini par aucun caractère extrinsèque ; il doit « manifester son indépendance et sa suffisance par un caractère interne ». Or cela, c’est se faire, c’est-à-dire posséder la Liberté ; non une ombre de Liberté définie par des causes ou des fins, mais une Liberté qui dépasse le système des causes et des fins ; car ce qui n’est que par causes et fins n’est pas réellement : exister, c’est quelque chose de plus, qui définit la Liberté autant qu’elle peut être définie. Et comme cet être libre consiste dans un rapport de soi avec soi, l’être libre sera pour soi. La conscience, ou existence pour soi, telle est la pensée complète, ou, ce qui est la même chose, l’être parfait, qui existe par soi. On pourrait dire « exister, c’est être voulu[4] », être consciemment voulu. Seulement il faut amener cette notion à son rang, après les autres, et comme complétant les autres ; sans quoi l’on ne comprendrait pas que l’être ainsi construit ait quelque solidité, si l’on

  1. P. 324.
  2. P. 321.
  3. P. 326.
  4. P. 396.