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E. Chartier.Éléments de la représentation par Hamelin.

que les essences elles-mêmes, hors de cette relation qui les fait se heurter les unes aux autres, sont à peine des essences ; instruits par la méthode même que nous avons suivie, nous savons que la causalité ne se pose pas à côté des notions qui la précèdent, mais au contraire va les pénétrer toutes, au point qu’on la retrouvera, si l’on cherche bien, dans les systèmes clos les plus simplifiés, et jusque dans les premières définitions, en sorte qu’après les avoir confrontées à d’autres, ou s’apercevra, par un retour de réflexion inévitable, que chacune d’elles enfermait déjà une relation extrinsèque, sans quoi les raisons tirées de l’essence n’auraient même pas pu être exposées. Telle est la marche nécessaire de l’esprit : avant de saisir l’action et la réaction entre toutes choses dans un Univers plein, il faut qu’il construise des essences séparées ; mais il arrive ensuite que l’on retrouve le jeu de la causalité jusque dans les essences séparées. Qu’est-ce que découvrir des postulats, sinon apercevoir jusque dans l’essence les rapports extrinsèques qu’on y avait d’abord négligés ? C’est ainsi que chacune des sciences réagit sur la précédente, qu’elle suppose pourtant avant elle, tant il est vrai que l’abstrait, tout en gardant son rang, ne peut pourtant me suffire[1]. C’est ainsi que la dialectique nous conduit au centre même des problèmes réels. Comment s’étonner, alors, si notre auteur, pour illustrer sa définition de la causalité, nous trace l’esquisse d’une mécanique ? Il est impossible de résumer ici les vues profondes de M. Hamelin sur la force, « rapport posé entre deux termes » et qui « n’émane pas de l’intérieur de l’un d’eux, mais est entre eux[2] ; » on voit, par cette formule, que le « Rapport » se retrouve dans les notions fondamentales de la Mécanique. Ne décidons pas si la dialectique apporte, ici encore, quelque lumière ; il suffit qu’elle puisse aborder, qu’elle aborde comme de plain-pied un tel problème, pour que son rapport à la pensée réelle apparaisse comme aussi étroit qu’ait jamais pu être le rapport d’une idée à un fait.

Nous en avons assez dit, puisque notre tâche n’est pas de transcrire ici l’ouvrage lui-même, nous en avons assez dit, sans doute, pour dissiper encore un autre préjugé contre la dialectique, et qui conduirait à condamner d’avance tout essai de construction du

  1. Si l’on veut saisir, par exemple, en quel sens l’astronomie peut réagir sur la mécanique, et donner un sens plus plein à ses premières définitions, que l’on consulte le beau mémoire communiqué à la Société de philosophie par M. Painlevé. (Les axiomes de la mécanique et le principe de finalité, 1905, no 2.)
  2. P. 229.