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revue de métaphysique et de morale.

genre de celui que nous résumons ici. On a assez montré en ce temps, et avec une rigueur peu commune, que la dialectique la plus ingénieuse est à la pensée ce que la mécanique est au mouvement. Comme la mécanique n’étudie que des mouvements faits et, pourrait-on dire, des trajectoires immobiles du mouvement, ainsi la dialectique ne peut exposer que la pensée faite, et comme décrire la trajectoire du jugement, autrement dit le jugement dans les idées. Or, il faudrait, si l’on voulait présenter quelque image de la pensée telle qu’elle se fait, saisir les idées au moment où elles naissent, et dans le jugement même qui les fait ; et, si la dialectique semble impuissante quelque part, c’est bien ici. Car la dialectique définit des essences ; mais il faut pourtant que le jugement crée ; il faut que le jugement force, pour ainsi parler, au delà de l’essence ; cela se devine dès que l’on analyse la connaissance, et jusque dans l’arithmétique, où l’on voit bien que les éléments d’un nombre ne donnent point le nombre ; comme Kant l’a fortement montré, nulle nécessité de pure dialectique, au moins de la dialectique comme on la prend communément, ne nous fera passer de à , ni de à , ni même de à . Il faut ici quelque création que l’expérience révèle, mais que la dialectique ne peut expliquer. C’est pourquoi la déduction analytique échoue plus visiblement que partout ailleurs dans l’explication du changement. Qu’il s’agisse de mouvement d’altération ou de causalité, inévitablement elle sera amenée à poser qu’une chose est elle-même, c’est-à-dire qu’il n’y a au fond ni causalité, ni changement, ni même mouvement : et nous sommes rejetés au monde des Éléates par la force invincible de leurs arguments, ou par d’autres que l’on calquera sur ceux-là. Or, M. Hamelin connaît bien ces difficultés, insurmontables d’apparence : on pourrait même dire que sa dialectique tout entière est comme une réponse à Zénon d’Élée, car toujours il pose le tout abstrait avant son contenu ; et, par le jeu de la corrélation des opposés, il maintient l’idée comme distendue, mais ce n’est pas assez dire, comme se distendant tout en restant une, par la vertu de sa loi essentielle. Ce qui est original dans cette construction de la conscience ce n’est pas tant ce passage d’une notion à une notion nouvelle, ni même cet enrichissement graduel des notions qui vient de ce que chacune d’elles est conservée dans les autres, l’abstrait étant matière et élément par rapport au concret : ce qui est surtout nouveau c’est l’allure de cette dialectique, qui, par la corrélation des opposés, unis essentiellement en même