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E. Chartier.Éléments de la représentation par Hamelin.

temps qu’ils se distinguent essentiellement, donne justement cette continuité, cette fluidité, cette action, pour tout dire, de la pensée que le psychologue démêle mal, mais qu’il sent très bien. La dialectique, en ce sens, s’accorde avec l’observation. Si l’on veut bien réfléchir à ce qu’est cette dialectique du jugement, — ainsi pourrait-on la caractériser par opposition à la dialectique des idées — on jugera peut-être que cette tentative de reconstruire les notions, des plus abstraites aux plus concrètes, jusqu’à la conscience même, est moins téméraire qu’on n’aurait voulu le croire.

On peut ne rien dire de la conscience. Être au monde, percevoir soi et le monde, ce n’est assurément pas peu de chose. Ce fait, qui est sans doute le seul fait où s’unissent en s’opposant l’univers entier et le moi en même temps que le connaître et le sentir, ce fait, aucun discours ne l’égalera, aucun discours ne l’exprimera comme il faudrait. Mais si pourtant l’on veut en dire quelque chose, il faudra bien, car elle est composée en un sens, nommer ses parties ou éléments, et les ajuster ensemble ; de toute façon il faudra reconstruire la conscience ; et, quand cette reconstruction ne serait qu’une manière de dire, encore faut-il bien reconnaître qu’il y a des manières de dire qui sont plus satisfaisantes que d’autres. Ainsi former la conscience de sensations juxtaposées et comme d’un chaos d’éléments indivisibles, qui ne sont au fond même pas des faits, mais seulement des abstractions, c’est une tentative qui a été bien des fois recommencée, mais que la critique n’a point respectée, et non sans raison ; car, outre que la sensation pure est un abstrait, il fallait encore supposer d’autres abstractions où les sensations pussent être rangées, et c’est d’une telle reconstruction que l’on pouvait dire à juste titre que c’était une « philosophie pipée ». Encore bien moins était-il permis de rétrécir le problème en faisant de la conscience une partie seulement de l’univers représenté, une partie qui, d’ailleurs, doublait le tout, et correspondait au tout élément pour élément, événement pour événement : c’est là une conception dont la critique de ce temps a fait bonne justice ; mais notre auteur avait certainement, dès les premières démarches de sa dialectique, et même avant, posé correctement le problème, et il était sans doute le seul, parmi nos philosophes, auquel le célèbre