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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

par rapport à moi, une autre position, elle représenterait toujours la même série de sensations possibles ; mais cette série serait liée d’une autre façon à un autre mouvement. Percevoir, c’est-à-dire connaître des positions, c’est donc connaître la relation qu’il y a entre les sensations qui me viennent de mon mouvement et les sensations qui me viennent de l’objet. C’est pourquoi la question de la connaissance de mon mouvement par moi-même est une des plus importantes et une des premières que l’on rencontre.

Seulement il ne résulte pas de cela qu’une étude analytique du toucher dépende de la réponse que l’on fera à la question suivante : avons-nous ou n’avons-nous pas de sens musculaire ? Que les muscles soient ou ne soient pas le siège de sensations spéciales correspondant aux contractions du tissu musculaire, cela importe peu. L’essentiel, c’est que mon mouvement produise sur moi, en même temps que les effets variables qui sont liés à la présence de tel ou tel objet, une série de sensations qui soit toujours la même pour le même mouvement, et qui soit pour moi comme le signe de la présence de mon corps ; il faut que tout mouvement soit accompagné d’une série de sensations caractéristiques telles que le mouvement ne soit jamais sans elles, ni elles sans lui.

Or il est clair que de telles séries de sensations accompagnent tous mes mouvements. La tension ou le plissement de la peau, le frottement et la pression des vêtements, produisent des sensations tactiles faciles à reconnaître. De plus, principalement lorsque nous nous tenons debout, tous les mouvements d’extension et de flexion des bras modifient l’équilibre de notre corps, et par suite exigent une foule d’autres mouvements, comme aussi ils modifient les sensations délicates et variées résultant de la façon dont la plante des pieds s’appuie sur le sol. Il est même naturel de penser que la sensibilité très délicate de la plante des pieds signifie que cette partie de notre corps nous renseigne plus que toutes les autres sur les changements de position de notre corps et de ses parties. Quoi qu’il en soit, si nous supposons que les sensations musculaires n’existent pas, nous n’en concevrons pas moins que tout mouvement du corps est accompagné d’une série de sensations toujours la même et qui est pour nous le signe de ce mouvement. Si au contraire nous supposons qu’il y ait de plus des sensations musculaires, cela ne simplifiera en rien notre théorie et ne la changera même pas ; car il ne viendra à l’idée de personne de penser que des sensations muscu-