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E. CHARTIER.SUR LES PERCEPTIONS DU TOUCHER..

sensation d’intensité croissante, pour la glaise, une sensation à peu près constante, mais qui augmente en étendue, puisque ma main s’enfonce dans la glaise.

Supposons d’abord une série de trois termes a, b, c, par exemple un corps froid à côté d’un corps chaud, et séparé de lui par un corps tiède. Il faut voir maintenant comment j’aurai l’idée d’aller de l’un à l’autre par un mouvement volontaire. Tant que je n’aurai pas cette idée, je ne connaîtrai aucune distance. Pour que j’aie cette idée, il faut que j’aie déjà fait ce mouvement ; or pour le faire ne faut-il pas d’abord le vouloir, et ne tournons-nous pas ainsi dans un cercle ? — Non, il n’est pas nécessaire pour faire un mouvement de le vouloir ; la volonté ne se greffe que sur la vie et la forme supérieure que sur la forme inférieure ; si l’être vivant ne commençait pas par se mouvoir instinctivement, jamais il n’arriverait à se mouvoir volontairement. Notre existence consciente et volontaire ne peut jamais être que la suite d’une existence instinctive. La Pensée consciente ne peut naître que de la Pensée inconsciente, et la suppose avant elle. C’est pourquoi on peut dire que sans la sagesse implicite qui est la vie, notre sagesse ne serait jamais. Et ainsi, au cours de cette analyse, nous apparaît une fois de plus la loi fondamentale de la dépendance de notre pensée par rapport à la Pensée. Ce qui nous empêche de le bien comprendre, c’est que, oubliant la véritable nature de la pensée, qui est tout entière où elle est et ne se divise point en parties, nous cherchons à notre pensée un premier terme et un commencement. Pourtant, il est tout à fait impossible qu’il y ait un commencement à la pensée, car l’idée la plus simple, si on l’analyse, est toutes les idées et toute la pensée ; telle est, par exemple, l’idée de distance, sans laquelle toute idée d’objet déterminé est impossible, et qui suppose elle-même déjà toutes les idées. Et cela se traduit en fait par la continuité de la Pensée à l’état de sommeil ou de puissance. Pensée enveloppée que l’on appelle la Vie. Il n’y a qu’un vivant qui puisse penser, cela veut dire réellement qu’il n’y a qu’un pensant qui puisse penser. Toute idée est retrouvée et non trouvée ; et, réellement, quand nous croyons acquérir, nous découvrons seulement, comme à la lueur d’une lampe, des trésors enfouis.

Donc nous avons fait déjà, sans le vouloir, le mouvement qui nous a fait passer du froid au chaud et du chaud au froid ; dés lors, ayant froid, il nous arrive de désirer avoir chaud, de nous repré-