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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE.

senter cet objet chaud qui est absent, comme faisant partie de la série a, b, c dont nous connaissons un des termes, par suite comme étant séparé actuellement de nous par un ou plusieurs intermédiaires ; la série a, b, c est alors connue comme une distance ; et le problème : passer de a (corps froid) à c (corps chaud) se trouve remplacé par le problème aller de a (corps froid) à b (corps tiède), et enfin de proche en proche, quelle que soit la série, le problème est enfin ramené à ce problème simple : passer d’un terme au terme immédiatement suivant.

Mais, précisément parce que notre corps n’est pas un point, et possède une certaine étendue, le terme immédiatement suivant n’est jamais totalement absent, de sorte que ce que nous désirons nous l’avons déjà ; le problème est donc ramené en définitive à celui-ci, mettre une partie du corps à la place d’une autre ; et c’est ce dont, avant toute réflexion, l’instinct se charge. On peut même dire que c’est toujours l’instinct, et comme la vie des muscles, qui meut nos membres mécaniquement, et conformément à nos désirs ; ou plutôt on ne conçoit même pas ce que pourrait être le désir si d’abord nos muscles n’étaient pas en marche, et si le commencement du mouvement que nous avons à faire ne donnait à notre désir un sens et une direction : il faut toujours, et même lorsque nous avons appris à désirer, que notre action précède notre désir.

Donc le mouvement simple qui substitue l’état désiré à l’état actuel s’effectue en quelque sorte seul, et nous en constatons les effets. Nous nous assurons, en constatant d’autre part que la série abc se continue toujours dans les deux sens de la même manière qu’auparavant, que ce n’est pas cette série qui s’est mise en mouvement, mais qu’au contraire c’est nous-mêmes ; d’où nous tirons l’idée qu’un mouvement de nous peut substituer l’état désiré à l’état actuel en nous faisant passer par des états intermédiaires déterminés. Cela n’est autre chose que l’idée d’un mouvement voulu. Cette idée se précise d’ailleurs très vite à cause des sensations tactiles spéciales dont elle est accompagnée, et qui résultent du plissement et de la tension de la peau produit par le changement de forme des muscles et le jeu des articulations.

La notion de distance est donc maintenant acquise, elle résulte de cette idée que certains mouvements rendent possible la substitution d’un état désiré à un état actuel. L’idée de distance n’est jamais autre chose que la représentation des mouvements que notre corps