Page:Revue des études slaves, t. 1 et 2, 1921-1922.djvu/336

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à l’extérieur le fait de la substitution de tribus faibles et désunies au vigoureux état scythe devait être d’une grande importance historique. La Russie, par là-même, se trouvait dorénavant ouverte aux peuplades de l’Europe centrale, c’est-à-dire aux Celtes et aux Germains.


Les premiers, à vrai dire, ne firent que toucher la Russie, et ils passèrent plus loin, dans la presqu’île des Balkans et en Asie Mineure, laissant peut-être quelques tribus isolées sur les bords de la mer Noire (les Celto-Scythes de Posidonius et de Strabon). Par contre, les Germains, qui les suivirent, montrèrent plus d’intérêt envers la Russie. Leur marche au sud, vers le soleil et la civilisation, s’était heurtée dès le Ier siècle avant J.-C. à l’obstacle infranchissable du puissant organisme de l’empire romain : leur poussée s’était brisée sur les lignes du Rhin et du Danube. Certes, ils s’infiltraient dans l’organisme de l’empire romain comme prisonniers de guerre, comme esclaves, comme soldats. Dès le IIe siècle après J.-C., les empereurs romains donnèrent des terres dans des provinces romaines à des tribus germaniques entières. Mais cela ne suffisait pas au puissant mouvement d’expansion qui se manifeste en ce temps-là parmi les tribus germaniques[1]. Rien d’étonnant qu’elles aient pris la seule roule libre vers le sud : celle du Dněpr ; et c’est par cette route, vieille piste des échanges commerciaux, que peu à peu les tribus germaniques se sont infiltrées dans la Russie méridionale. Il n’est pas à cet égard de témoins plus éloquents que les nécropoles de la région du Dněpr : c’est à dater du Ier siècle avant J.-C. qu’elles apparaissent comme « des champs d’urnes funéraires », différant si profondément des tumuli (курганы) des époques scythe et sarmate et si semblables au contraire aux nécropoles de la même époque que l’on trouve en Allemagne. Il n’y a nulle raison de penser que ces conquérants germains aient modifié radicale-

  1. Voir sur cette expansion germanique les remarques de A. Dopsch, Wirtschaftliche und soziale Grundlagen der europäischen Kultuventwicklung, I, Wien (1918), pp. 92 et suiv. Le mouvement des Allemands était surtout un mouvement de colonisation et ne différait presque en rien du mouvement analogue postérieur des Slaves, comme la civilisation germanique de cette époque différait très peu de la civilisation slave contemporaine. Les Slaves, comme l'a démontré Hruschevskyj, étaient à l’époque de leur migration, des agriculteurs sédentaires tout comme les Allemands. Leur organisation tribale était du même type que celle des Allemands. Mais il y a quelque tendance, aussi bien dans les travaux des savants allemands que dans ceux des savants slaves, à exagérer l’importance des institutions démocratiques qu’on remarque dans la vie tribale des deux nations ; l’esprit démocratique est peut-être plus fortement accentué dans l’organisation tribale des peuples slaves.