Page:Revue des études slaves, t. 1 et 2, 1921-1922.djvu/337

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ment la vie des pays du Dněpr. Leurs sépultures, il est vrai, sont plus pauvres que celles des Scythes et des Sarmates, mais elles contiennent, elles aussi, quantité d’œuvres de l’industrie et de l’art classiques[1]. Elles renferment en outre des pièces de la monnaie mondiale de Rome, de l’argent, de l’or. Les peuplades germaniques, en effet, se trouvant depuis longtemps, dans leur pays d’origine, en relations commerciales avec l’empire romain, avaient pris l’habitude des paiements en monnaie. Aussi n’est-il pas surprenant de trouver, pour la période des premiers siècles de l’ère chrétienne, quantité de trésors de monnaie romaine le long de la voie fluviale qui conduit de la Baltique à la mer Noire. Les Germains, comme il va de soi, durent garder l’héritage commercial de leurs prédécesseurs iraniens, mais ils développèrent surtout les relations avec le nord et le nord-est en apprenant aux habitants de la Scandinavie et de l’Allemagne du nord à pratiquer la voie du Dněpr[2].

Il n’y a pas de raison de supposer que les Germains aient détruit la vie urbaine des cités du Dněpr : les villes ne leur étaient pas moins nécessaires qu’à leurs prédécesseurs. D’ailleurs, le géographe Ptolémée énumère plusieurs cités sur le Dněpr, et la tradition sur le grand royaume got de Hermanarich nous atteste l’existence de ces cités à cette époque. Je n’ai aucune raison de rejeter cette dernière tradition, quoique légendaire, car elle s’accorde fort bien avec les données de Ptolémée et avec tout ce que nous savons

  1. Sur les nécropoles du type germanique dans la région du Dněpr voir P. Reinecke, Mainzer Zeitschrift, I, 1906, pp. 42 et suiv. ; M. Ebert, Prähistorische Zeitschrift, V, 1910, p. 80 ; le même, Baltische Studien zur Archaeologie und Geschichte, Berlin, 1914, p. 85 ; et surtout T. Arné, Oltiden, 1918, pp. 207 et suiv., et Det Stora Svitgod, Stockholm, 1917, pp. 7 et suiv. Une étude plus détaillée de ces nécropoles à urnes n’a pu encore être faite ni par les archéologues russes ni par les archéologues allemands.
  2. Sur les trouvailles de monnaies romaines en Russie voir Hruschevskyj, (Geschichte des ukrainischen Volkes, pp. 281 et suiv., et la bibliographie, p. 598, n° 40 ; voir aussi Arné, op. cit. Les trésors de monnaies romaines ne sont pas exclusivement dus aux pillages des provinces romaines par les Allemands et les Slaves. La chronologie des trouvailles s’oppose à cette explication. Les trouvailles donnent surtout des monnaies du IIe siècle après J.-C., c’est-à-dire d’une époque où les provinces romaines étaient bien protégées contre les attaques des Barbares et où le commerce romain était à son apogée. À quoi bon d’ailleurs amasser des milliers de pièces de monnaie d’argent et de cuivre, si l’on ne pouvait les employer pour acheter les produits de l’industrie des pays classiques ? Il est curieux de noter que les produits de l’industrie panticapéenne, qui prédominaient à l’époque scythe, disparaissent de la région du Dněpr à l’époque sarmate et germanique. Il faut noter aussi qu’on ne trouve presque pas de monnaies bosphoriennes de l’époque romaine dans la région du Dněpr. Cela fait penser à la prédominance du commerce romain dont les agents furent les marchands de la région danubienne.