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DES INTÉRÊTS

tuteur du peuple. Employer tous les moyens que n’exclut pas le droit des gens pour assurer le bonheur de son pays, voilà le devoir impérieux qui lui est imposé.

Il résulte de cette obligation de travailler sans relâche à la prospérité des hommes que l’on gouverne, que beaucoup de reproches adressés à M. Canning au sujet de ses doctrines libérales, et à M. de Metternich au sujet de ses doctrines d’absolutisme, n’étaient point fondés. En effet, si l’intérêt du peuple anglais exigeait la propagation du système constitutionnel, ou si M. Canning a vu dans la propagation de ce système le moyen d’étendre dans le monde l’influence de l’Angleterre, dont l’industrie réclame chaque jour de nouveaux débouchés, M. Canning devait tenter ce qu’il a entrepris. Quant à M. de Metternich, au contraire, il gouverne un pays où la plus grande partie des produits manufacturés se consomment sur le sol même. L’industrie autrichienne, quoiqu’elle ait fait de grands progrès depuis la paix, se contente encore des débouchés que lui offrent l’Allemagne, l’Italie et l’Orient. Les habitans de ce pays tiennent à leurs foyers, où une terre fertile récompense leurs travaux. Riches par leur sol, le commerce est pour eux un moyen d’échange, et le désir du gain ne les porte pas à se faire les facteurs de leurs voisins. Ils sont simples et bons, calmes et réfléchis, plus agissans que parlans, et leur patriotisme est renfermé dans les bornes de leur pays. Les Autrichiens s’occupent peu de politique métaphysique ; les questions de cette nature peuvent bien fixer l’attention de quelques esprits, mais la foule y attache peu d’intérêt[1]. S’ils paient leurs contributions en hommes et en argent avec la plus grande docilité, c’est que la docilité est dans le caractère de la nation. Il existe à Vienne une ordonnance de police qui défend de fumer dans

  1. Qu’on remarque bien que nous parlons seulement de l’Autriche, et nullement des pays conquis, dont les mœurs diffèrent, il est vrai, mais qui subissent la loi du plus fort. Quant à la Hongrie, elle forme, comme chacun sait, un état à part, et est régie par une constitution.