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VOYAGE À TEMBOCTOU.

suspendit pour un moment la fatale sentence, et l’on délibéra avec chaleur sur la vie ou la mort du malheureux Laing ; enfin la dernière fut résolue. Quelques esclaves noirs furent appelés et reçurent l’ordre d’exécuter le meurtre dont le maure n’avait pas voulu souiller ses mains. Un d’eux attacha immédiatement l’étoffe de son turban au cou de la victime, et l’étrangla en tirant un des bouts, tandis qu’un de ses complices tirait l’autre. Le corps fut abandonné dans le désert aux vautours et aux corbeaux, seuls êtres vivans qui habitent ces tristes régions.

« Dès l’instant où l’on eut découvert que Laing était chrétien, sa mort devenait cent fois préférable à un changement de religion, puisque, dans ce dernier cas, il eût dû renoncer pour toujours à revoir l’Europe ; son sort, s’il fut devenu musulman par force, eût été irrévocablement malheureux. Il eût été l’esclave de barbares sans miséricorde, qui l’auraient journellement exposé aux dangers particuliers à ces climats. En vain le bacha de Tripoli eût demandé sa libération ; à cette distance immense, le chef des Zaouats eût bravé ses menaces et gardé son prisonnier. La résolution du major Laing était donc à la fois un acte de fermeté et la preuve d’une grande prévoyance. À son départ pour El-Araouan, il avait porté avec lui quelques instrumens de mathématique et ses papiers, les Toariks l’ayant dépouillé de tout ce qu’il avait. » Ainsi le cheïkh Hamet gagna fort peu de chose au meurtre d’un voyageur anglais, et encore fut-il