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Page:Revue des Deux Mondes - 1830 - tome 2.djvu/24

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VOYAGES.

je m’indignais intérieurement de leur perverse et fausse adoration, ils durent s’indigner aussi du peu de respect que je témoignais devant leur sanctuaire. En somme, je me hâtai de sortir de ce lieu maudit, et mes conducteurs me menèrent voir la maison et les jardins des chapelains, dont je puis dire que l’art se fait remarquer davantage dans ceux de la résidence royale d’Aranjuez, mais que sous tous les autres rapports ils sont bien inférieurs à ceux dont je parle. On me servit un dîner splendide dans une espèce de belvéder, d’où je pus voir la grande quantité de personnes qui entraient dans le temple. On me dit qu’il en était de même à toutes les heures du jour et de la nuit. Ils usent, comme nous, d’eau bénite, ou plutôt maudite, et d’espèces de chapelets consacrés à leurs faux dieux Jaca et Nido, qui au reste ne sont pas les seuls qu’ils adorent ; car il y a au Japon trente-cinq religions ou sectes différentes. Les unes nient l’immortalité de l’ame, les autres reconnaissent plusieurs dieux, quelques-unes adorent les élémens, sans qu’aucune d’elles soit inquiétée pour cela. Aussi les bonzes de toutes les sectes s’étant réunis pour demander à l’empereur qu’il chassât nos religieux du Japon, et se trouvant importuné de leurs fréquentes sollicitations à ce sujet, ce prince leur demanda combien il y avait de religions différentes dans le Japon. Ils lui répondirent qu’il en existait trente-cinq. « Eh bien ! leur dit-il, là où l’on tolère trente-cinq sectes, on peut bien en tolérer trente-six. Laissez ces étrangers en paix. »