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LA VENDÉE APRÈS LE 29 JUILLET.

lieu d’une tête, n’avait eu qu’une épaule ; c’était un désappointement bien désagréable pour tous deux.

Mon costume de garde national à cheval me donnait l’apparence d’un officier d’ordonnance ; or un officier d’ordonnance est pour les paysans un grand personnage, il voit les aides-de-camp, les aides-de-camp les généraux, les généraux les ministres, et les ministres le roi. Les enfans de ce malheureux espéraient donc que, grâce à cette filière ascendante, je pouvais obtenir pour leur père une commutation de peine.

J’écrivis directement au Roi, qui, à cette époque, recevait encore les lettres qu’on lui écrivait. Huit ou dix jours après, mon condamné vint me remercier lui-même. Trois jours encore, et il était flétri, jeté dans un bagne, d’où il se serait échappé peut-être en assassinant un argousin. Cela eût été bien heureux pour le procureur-général et le bourreau, qui auraient remis la main sur leur marchandise.

J’avais parcouru une partie de la Vendée pied à pied ; je commençais à être fatigué du langage carliste que j’y entendais ; j’avais besoin de mon Paris de juillet, avec son soleil ardent, sa liberté neuve, et ses murs troués de balles ; je partis.

Lorsque j’arrivai, il pleuvait à verse ; M. Guizot était ministre, et l’on grattait l’Institut.

Alex. Dumas.