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HISTOIRE. — PHILOSOPHIE.

Elle fit rédiger ses priviléges en code régulier, sous le titre de leyes y ordenanzas de la Mesta, se créa un tribunal pour punir, selon son bon plaisir, les infractions commises contre ses prétendus droits, et exerça le monopole le plus absolu sur tous les pâturages et les marchés de laine du royaume. L’importance de ses troupeaux a varié à différentes époques. Au seizième siècle, ils se composaient d’environ sept millions de têtes. Tombés à deux millions et demi au commencement du dix-septième, ils remontèrent sur la fin à quatre millions, et maintenant ils s’élèvent à cinq millions, presque la moitié de ce que l’Espagne possède de bétail. En vain nous compulserions l’histoire du monopole, même dans ces contrées où il a été le plus encouragé, nous ne voyons rien qui ressemble à cette monstrueuse usurpation sur les droits et la propriété d’une nation entière. Il est vrai que, dans toute l’Espagne, l’opinion publique est fortement prononcée contre la Mesta, et que ses vexations inouies sont impatiemment souffertes.

Les maux qui en résultent sont graves et nombreux.

1o Les hommes qu’elle emploie, au nombre de quarante à soixante mille, choisis, pour la plupart, dans les provinces, où déjà l’agriculture manque de bras, sont autant de perdus pour elle.

2o Cette immense étendue d’excellentes terres, que la Mesta convertit en pâturage, est loin de produire tout ce qu’on en pourrait recueillir ; les habitans de ces parages, privés de travail et des moyens de vivre honnêtement, sont obligés de recourir à la contrebande ou au vol sur les grandes routes.

3o Les terres cultivées se trouvant sur le passage de ces animaux, qui voyagent de la plaine aux montagnes par troupeaux de dix mille au moins, sont exposées à des dégâts d’autant plus funestes, que l’impunité en est assurée.

4o Les pâturages communaux sont quelquefois tellement dévastés, que les troupeaux du pays y trouvent à peine leur subsistance.

5o Les troupeaux de la Mesta ne séjournant jamais sur des terres labourables, ne contribuent en rien à leur fertilité.