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qu’allait y faire dire la confrérie de paz y caridad, qui s’en retournait à cette église avec toute sa procession, moins un homme, — moins celui qu’elle avait assisté !

La foule s’était écoulée peu-à-peu. Il ne restait plus que deux factionnaires près de la horca, pour garder le corps du supplicié, qu’on y laissait suspendu. Quelques aveugles, quelques mendians chantaient encore aux environs, et vendaient des cantiques et des romances. Du reste, les affaires habituelles reprirent leur cours dans le quartier. Sur la place même, le marché continua comme de coutume, comme si rien ne se fût passé ; seulement ce fut aux boutiques voisines de la horca qu’il vint, le reste du jour, le plus de jeunes filles acheter des oranges et des fleurs.


IX.
EL ENTIERRO.

Le cœur serré, l’âme encore toute saisie des cruelles scènes auxquelles j’avais si stoïquement assisté le matin, je me promenais au Prado vers six heures du soir. Je marchais vite, à pas précipités, comme cherchant à m’étourdir, à fuir ces pressans souvenirs qui m’obsédaient. Cependant les voitures et les promeneurs arrivaient ; les chaises et les bancs du Salon[1] commençaient à se garnir. Je tremblai soudain à l’idée de rencontrer des visages de connaissance ; — et si quelqu’un m’abordait, qu’aurais-je à dire, à répondre, distrait et préoccupé comme je l’étais ? Je traversai le Prado à la hâte, et remontai la carrera de San Geronimo, ne sachant trop que devenir, où me réfugier. Mais lorsque je me trouvai sur la place de Santa Catalina, une pensée me vint subitement, comme un remords. — Et Mariquita ! Mariquita, qu’était-elle devenue ? N’était-ce pas à moi de

  1. La partie la plus fréquentée du Prado.