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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/131

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LA HORCA.

veiller sur la pauvre veuve ? N’avais je pas au moins cette dette à payer à la mémoire du malheureux jeune homme ? L’idée que de cette façon du moins je trouverais quelque bien à faire, me fut douce et consolante, et je voulus à l’instant m’aller enquérir du sort de la pauvre enfant. Je savais qu’elle avait été recueillie par une pieuse femme qui demeurait au bout de la rue d’Alcala, à la puerta del Sol, près de l’église del Buen Suceso. — Je trouvai facilement la maison, mais non plus Mariquita. Son hôtesse me raconta que, le jour du mariage, la jeune fille avait été transportée chez elle, déjà saisie d’une fièvre violente. Ayant été mise au lit à l’instant, elle y était demeurée depuis, sans parler, sans se plaindre, ne repoussant pas les soins qu’on prenait d’elle, mais paraissant les subir plutôt que les recevoir ; d’ailleurs, en apparence, assez calme d’esprit et résignée. Mais il n’y avait pas une heure, pendant l’Ave Maria sans doute, profitant d’un moment d’absence de son hôtesse, qui était allée faire sa prière à l’église de la Soledad, la jeune femme, malade comme elle était, s’était levée et habillée, et avait quitté la maison pour aller, Dieu savait où ! — La bonne femme se désolait en songeant à ce qui pouvait advenir à la pauvre enfant, ainsi livrée à elle-même, dans l’état où elle se trouvait. Elle redoutait surtout que la malade, comme du reste l’heure de sa fuite permettait de le craindre, n’eût conçu le projet d’aller voir encore une fois son mari, dont elle savait sans doute qu’on ne devait détacher le corps du gibet que vers la nuit. —

Cette crainte de la bonne femme me frappa vivement moi-même. Je résolus de me rendre en toute hâte à la place de la Cebada, pour arracher Mariquita, si je la rencontrais, au cruel spectacle qu’elle pouvait avoir cherché là, et ramener la pauvre malade chez son hôtesse. Ce fut aussi l’avis de celle-ci, qui m’exhorta même à ne point perdre de temps, et me promit, comme je la quittais, que Dieu me tiendrait compte de cette bonne œuvre.

Il faisait encore jour ; je courus à la place de la Cebada. Je n’aperçus point Mariquita. Tout était tranquille sur la place. On y voyait peu de monde ; les boutiques étaient ouvertes, on