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manquaient guère de se rendre à bord du ponton, quand ils apprenaient qu’il y aurait une séance un peu complète. L’auteur des Mémoires d’un apothicaire raconte, je crois, que le capitaine d’une frégate s’éprit tellement du mérite de M. Perret, qu’il le sollicita vivement de venir à son bord, qu’il lui offrait pour prison, en lui faisant entrevoir un sort plus doux, et peut-être un jour sa liberté. M. Perret accepta une moitié de cette offre obligeante ; l’amateur anglais l’envoyait chercher souvent le matin, et le faisait reconduire le soir au ponton. Quand la frégate partit, elle emmena M. Perret, qui fut renvoyé en France suivant la parole que le capitaine lui en avait donnée. Le violoniste que Rode avait formé passa aussi sur un vaisseau anglais.

Tout le monde ne pouvait pas faire sa partie dans les ensembles qu’on était parvenu à composer ; ceux qui ne savaient pas la musique, ou que le manque de cet instinct, qui, dans certaines heureuses organisations, remplace la première éducation musicale, réduisait au rôle toujours passif d’auditeurs, aimaient à danser.

Dans ce temps-là on dansait encore. La danse avait été une des gloires du directoire, qui eut aussi l’amour et la cuisine, s’il n’eut pas la bonne politique ; à la fin de l’empire, les belles leçons du règne de nos Pentarques n’étaient point oubliées. Chaque salon avait un homme que les succès de Tréniz, de Violette ou de Charles Dupaty mettaient en goût d’une danse élégante ; mademoiselle Lescot (madame Haudebourt) était un des modèles que se proposaient toutes les femmes. Le jeune garçon qui venait d’entrer dans le monde, dansait la gavotte, avec la culotte courte de sa première communion ; la petite fille de dix ans ne pouvait se présenter, si elle n’excellait aux ailes de pigeons et aux pas de zéphire ! Alors on croyait à Vestris et à Beaupré : aujourd’hui, on ne croit plus à rien. On ne danse plus, on marche, les pouces dans les entournures du gilet, et pendant la contre-danse on parle politique avec sa danseuse.

À bord de la Vieille-Castille, quand on était à la danse, on y était de tout cœur. C’était pour quelques personnes une chose assez sérieuse, un passe-temps grave ; mais pour le plus grand nom-