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Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 5.djvu/576

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MARTIN LUTHER.

impériale ; mais je n’y consentis point. Ils me demandaient s’ils n’étaient pas eux-mêmes des chrétiens qui pussent décider de telles choses ? À quoi je répliquai : Oui, pourvu que ce soit sans faire tort ni offense à l’Écriture que je veux maintenir. Car je ne puis abandonner ce qui n’est pas mien. Ils insistaient : Vous devez vous reposer sur nous et croire que nous déciderons bien. — Je ne suis pas fort porté à croire que ceux-là décideront pour moi contre eux-mêmes, qui viennent de me condamner déjà, lorsque j’étais sous le sauf-conduit. Mais voyez ce que je veux faire ; agissez avec moi comme vous voudrez ; je consens à renoncer à mon sauf-conduit et à vous l’abandonner. Alors le seigneur Frédéric de Feilisch se mit à dire : En voilà véritablement assez, si ce n’est trop.

Ils dirent ensuite : Abandonnez-nous au moins quelques articles. Je répondis : Au nom de Dieu, je ne veux point défendre les articles qui sont étrangers à l’Écriture. Aussitôt deux évêques allèrent dire à l’empereur que je me rétractais. Alors l’évêque *** envoya vers moi, et me fit demander si j’avais consenti à m’en remettre à l’empereur et à l’empire ? Je répondis que je ne le voulais pas et que je n’y avais jamais consenti. Ainsi, je résistai seul contre tous. Mon docteur et les autres étaient mécontens de ma ténacité. Quelques-uns disaient que si je voulais m’en remettre à eux, ils abandonneraient et céderaient en retour les articles qui avaient été condamnés au concile de Constance. À tout cela je répondais : Voici mon corps et ma vie.

Cochleus (Kochleffel) vint alors, et me dit : Martin, si tu veux renoncer au sauf-conduit, je disputerai avec toi. Je l’aurais fait dans ma simplicité. Mais le docteur Jérôme Schurff répondit en riant et avec ironie : Oui, vraiment, c’est cela qu’il faudrait. Ce n’est pas une offre inégale ; qui serait si sot ! Ainsi je restai sous le sauf-conduit. Quelques bons compagnons s’étaient déjà élancés en disant : Comment ? vous l’emméneriez prisonnier ? Cela ne saurait être.

Sur ces entrefaites vint un docteur du margrave de Bade, qui essaya de m’émouvoir avec de grands mots : Je devais, disait-il, beaucoup faire, beaucoup céder pour l’amour de la charité,