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PHILOSOPHIE DE FICHTE.

ce nouvel ordre d’idées a donné dans l’ensemble des choses aux forces primitives de la nature, je prétends l’occuper moi-même. Je veux manifester dans le monde et d’une infinité de façons la force intérieure que je recèle dans mon sein. Dans ses actes visibles cette force pourra bien se manifester toute semblable aux autres forces de la nature ; néanmoins entre elles et ces dernières, il y aura pourtant cette différence essentielle : c’est que la raison de ses manifestations extérieures se trouvera en elle-même, nullement, comme pour les autres forces de la nature, dans les circonstances extérieures, les conditions étrangères à elle, au milieu desquelles elle aura été appelée à agir. Mais où sera le siège, le centre de cette force du moi ? Évidemment ce ne sera pas dans mon organisation matérielle, car je suis assez porté à ne voir, dans cette organisation, que la simple et passive manifestation d’une force de la nature : ce ne sera pas non plus dans mes instincts, mes penchans sensibles, car ces derniers ne me semblent autre chose que des formes variées, sous lesquelles cette force se révèle à ma conscience. Reste donc seulement ma pensée, ma volonté pour les seuls sièges possibles de cette force. Je me choisirai un but dans le plein usage de ma liberté. Je voudrai ensuite conformément à ce but ; ma volonté indépendante de toute influence étrangère mettra en mouvement mon organisation matérielle, par suite ce qui m’entoure, et les forces de la nature qui participent à mon existence obéiront à la puissance de ma volonté et n’obéiront qu’à elle seule. Voici comment, ce me semble, les choses doivent se passer.

Il existe un bien absolu. Le chercher, le trouver, le reconnaître quand je l’ai trouvé, tout cela ne dépend que de moi. J’ai le pouvoir de le faire. La faute en est donc à moi seul si je n’y réussis pas. Ce bien, je dois le vouloir absolument, parce que j’en ai la volonté, volonté d’où dérivent tous mes actes, source unique dont ils puissent dériver, car aucun de mes actes ne saurait être déterminé par une autre force que ma volonté. C’est seulement sous l’impulsion de cette volonté, et continuant à demeurer sous son empire que je mets la main sur la nature, mais en revanche c’est pour m’en faire alors le seigneur et le maître ;