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EXPÉDITION D’AFRIQUE.

enfans de la fatalité s’étaient sentis condamnés par le destin, et ils s’étaient hâtés dès-lors d’accepter le décret. Il leur importait peu de s’en prendre à de passifs instrumens.

Au moment où le château s’élevait dans les airs, les restes de la garnison se présentaient aux portes de la Casauba, mais le dey nous croyant peut-être sur leurs traces, irrité de la chute de sa dernière forteresse, fit tirer sur eux. Mutilés et sanglans, ils s’écoulèrent le long des murs de la ville pour s’aller mettre sous le canon des forts du rivage. Pendant ce temps, notre brigade de tranchée s’établissait sur les ruines qu’ils venaient de quitter. De nouvelles tranchées s’ouvrirent, on se couvrit de ces décombres récens, et dès le soir même, ont eût pu commencer à battre en brèche la Casauba, mais il n’en fut pas besoin. Un Turc que les sinuosités d’un chemin creux où il avait marché avaient dû nous cacher long-temps, apparut tout-à-coup un drapeau blanc à la main. On fut à lui ; on l’interrogea. Son costume à-la-fois élégant et simple annonçait un personnage de distinction. Il s’exprimait en assez mauvais italien. — Je viens au nom des grands et de la milice d’Alger, dit-il, et je demande la paix. Il ne nommait plus le dey.

Après une courte conférence avec le général en chef, il rentra dans Alger, devant revenir deux heures après pour conclure une stipulation définitive. Ce délai n’était pas encore expiré que les cris tumultueux des soldats nous annoncèrent son arrivée. Cette fois, le consul d’Angleterre et un autre personnage important du gouvernement de la régence l’accompagnaient. Le général en chef et son état-major les attendaient dans une petite prairie à l’ombre de quelques arbres, et là, s’ouvrit une sorte de conférence au petit pied, un congrès à la face du soleil, où ce fut merveille de voir comment les questions les plus complexes furent promptement résolues. En moins d’un quart d’heure, il fut convenu que le dey avait cessé de régner ; que les portes de la ville nous seraient ouvertes dès le lendemain ; que les Turcs seraient embarqués pour le Levant dans un délai déterminé ; que, de plus, les armes, les munitions, les propriétés publiques nous seraient fidèlement remises : et nous nous étions engagés, en revanche, à ne pas toucher aux propriétés particulières, à respecter les femmes, à tenir les mosquées pour sacrées.

Ainsi s’écroula tout à-la-fois, tout d’une pièce, cette régence d’Alger, état bizarre, assemblage monstrueux, informe de dé-