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LUIZ DE CAMOENS.

hommes recommandables morts dans l’asile de la charité, ne parle pas de Camoens.

L’opinion contraire, appuyée sur l’autorité de Diogo Barbosa, est confirmée par une note écrite de la main d’un pieux missionnaire, José Indio[1], sur un exemplaire des Lusiades que possède aujourd’hui lord Holland. Cette note est ainsi conçue :

« Qu’y a-t-il de plus déplorable que de voir un si grand génie si mal récompensé ? Je l’ai vu mourir dans un hôpital de Lisbonne, sans avoir un drap pour se couvrir, lui qui avait si bravement combattu dans l’Inde orientale et qui avait fait cinq mille cinq cents lieues en mer. Grande leçon pour ceux qui se fatiguent à travailler nuit et jour et aussi vainement que l’araignée qui ourdit sa toile pour y prendre des mouches. »

Il peut résulter de cette apostille que José Indio a vu Camoens à l’hôpital, sans qu’il faille prendre à la lettre les mots je l’ai vu mourir.

Ce fut dans ces circonstances que le désastre d’Alkacer-Kébir (4 août 1578) frappa de mort le Portugal. Il restait encore à Camoens une larme pour sa patrie : Ah ! s’écria-t-il, du moins je meurs avec elle ! Il répéta la même pensée dans la dernière lettre qu’il ait écrite. « Enfin, disait-il, je vais sortir de la vie, et il sera manifeste à tous que j’ai tant aimé ma patrie, que non-seulement je me trouve heureux de mourir dans son sein, mais encore de mourir avec elle. »

Il ne survécut que peu de mois à ce désastre, et mourut au commencement de 1579, à l’âge de cinquante-cinq ans.

Il fut enterré très pauvrement dans l’église de Santa Anna, dit Pedro de Mariz, à gauche en entrant et sans que rien indiquât sa sépulture. Ses malheurs firent une impression si profonde, que personne ne voulut plus occuper la maison qu’il avait habitée. Elle est restée vide depuis sa mort.

  1. C’est le même José Indio que M. Ferdinand Denis a mis en scène dans un touchant épisode, où il a résumé poétiquement toute la vie de Camoens. Voy. les Scènes de la nature sous les Tropiques. M. Denis prépare une traduction des poésies diverses de Camoens. Nous ne pouvons trop l’engager à la faire paraître.