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et tout en paraissant défendre ses conquêtes positives, à lui refuser son avenir.

Tout est négatif dans la philosophie politique de l’historien de la révolution anglaise, et il attache une grande importance à démontrer que la souveraineté de droit n’est pas sur la terre. Voici son raisonnement. Dieu seul a complètement raison ; la souveraineté ne réside que dans la complète raison, or la complète raison ne réside pas ici bas : donc la souveraineté ne s’y trouve pas davantage. Cela est vrai, et Benjamin Constant, dès 1814, avait remarqué que la souveraineté n’était pas dans la volonté, mais dans la justice. Mais quel doit être le résultat de cette démonstration négative de l’impossibilité de la raison et de la souveraineté absolue sur cette terre, si ce n’est le devoir pour les sociétés de s’en rapprocher chaque jour davantage, de chercher les interprètes les moins infidèles de la vérité pratique ? Pourquoi l’Angleterre poursuit-elle sa réforme parlementaire avec une si persévérante unanimité, si ce n’est pour élargir les voies qui doivent la conduire à la plus juste amélioration des lois sociales ? Pourquoi le plus sérieux intérêt de notre situation politique est-il aujourd’hui dans l’agrandissement de la représentation, et dans l’intervention de l’intelligence au milieu des petites cotes électorales ? C’est qu’il importe d’augmenter et de rehausser la majorité de la nation du sein de laquelle se fixe la vérité relative d’une époque et d’un pays, c’est-à-dire, la loi ; c’est qu’il importe d’augmenter les chances de raison et de justice. Il est désirable que M. Guizot et son école soient bien convaincus de ces conséquences qu’amène naturellement leur théorie négative, et que la France ne les choque pas trop, quand elle demandera que le gouvernement représentatif veuille bien se prêter à quelques développemens.

Cependant, dans les deux dernières années de la Restauration, le célèbre publiciste dont nous suivons la pensée politique, semblait plus affranchi de ses anciennes entraves : comme il était plus engagé dans l’opposition, et comme il désirait alors propager surtout son influence dans les esprits, naturellement il se donna plus de liberté ; dans son enseignement historique, il éta-