Page:Revue des Deux Mondes - 1832 - tome 6.djvu/510

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
504
REVUE DES DEUX MONDES.

cueilli dans sa victoire, c’est l’ange de Novalis au bivouac ; c’est la fête de l’affranchissement, joie d’enfant qui se remet à se chauffer à son soleil, à caresser ses fleurs, comme si elles ne souriaient que d’aujourd’hui. Lui aussi fait reverdir sa vieille nature d’Allemagne, comme si elle avait été stérile et muette dans ses plaines de trèfle, tout le temps de la conquête ; mais l’originalité de ce poète est plus profonde. L’enivrement de l’orgueil national prend dans son âme l’humilité d’une vieille ballade populaire : il enveloppe les conquêtes du libéralisme moderne sous les airs et la candeur du moyen âge ; c’est lui qui donne au génie ombrageux de notre époque la grâce diaphane des vitraux des croisades, et qui brise contre la sainte-alliance la lance d’un sonnet féodal. Qui parle d’un démagogue de 1819 ? Lui, c’est un vassal de Rudolphe qui chante sa chanson sous le prunier sauvage et sur la tour ruinée de son seigneur. De son fossé suzerain, plus son esprit se penche vers l’avenir, plus ses mains se retiennent par le bord aux lierres et aux herbes gothiques. Il est ainsi en poésie ce que Cornelius est en peinture, et ils représentent tous deux fort bien à leur manière l’état actuel de l’Allemagne, qui cache, elle aussi, des sympathies si nouvelles et une si jeune destinée sous la vieillesse des institutions et des formes politiques.

Une chose remarquable, c’est que la liberté, dans ses goûts les plus populaires, a montré, à son début en Allemagne et au nord, autant de prédilection pour le moyen âge, qu’en France elle lui a montré de répugnance. On était là carlovingien, comme chez nous on était bonapartiste. On portait là, pour signe de ralliement, après la restauration, les boucles des rois chevelus de la première race, comme, chez nous, on ramassait sous la botte de Napoléon la violette du 20 mars. Ce que l’on appelait démagogues au nord, c’était une espèce de sectaires de nationalité féodale, gens de religion et de foi enfantine, vrais pèlerins d’armées, bons chrétiens, tout chargés de la ferraille du vieil empire germanique, puritains des anciennes coutumes, toujours chantant, souvent priant, bons prud’hommes qui portaient le poil fauve de Barberousse, et ce qu’ils avaient retrouvé