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LITTÉRATURE AMÉRICAINE.

parfaitement perpendiculaire, il s’avança la tête haute, lançant néanmoins à droite et à gauche certains coups-d’œil circonspects, comme un chien belliqueux passant sur un territoire hostile, tout prêt à grogner et à mordre.

— Qui va là ? cria la sentinelle à la porte.

— Soldat de l’Alhambra, dit le caporal sans tourner la tête.

— Qu’avez-vous en charge ?

— Des provisions pour la garnison.

— Approchez.

Mais le caporal marcha soudain en avant, suivi du convoi ; cependant il avait à peine fait quelques pas, lorsque tout-à-coup une escouade d’officiers de la douane sortit d’une maison de péage.

— Holà ! ici ! cria le chef de l’escouade ; halte, muletier : approche et ouvre-nous ces ballots.

Le caporal fit volte face, et se mit lui-même en bataille rangée.

— Respect à la bannière de l’Alhambra, cria-t-il ; tout ceci est pour le gouverneur.

— Une figue pour le gouverneur et une figue pour sa bannière. Muletier, halte ! te dis-je.

— Et bien arrêtez le convoi si vous l’osez, cria le caporal, armant son mousquet. ; — Allons, muletier, en avant.

Le muletier frappa vigoureusement sa bête ; mais l’officier de la douane, s’élançant en même temps, saisit la mule par le licou. Là-dessus le caporal couchant son homme en joue et tirant, le tua du coup.

Toute la rue se trouva immédiatement bouleversée.

Le vieux caporal fut arrêté après avoir reçu quantité de soufflets, de coups de pied et de coups de bâton, corrections qu’administre d’ordinaire la populace en Espagne, comme un avant-goût des autres peines que doit ensuite appliquer la loi. Le caporal fut ensuite mis aux fers, puis conduit dans les prisons de la ville. D’ailleurs après avoir bien fouillé tous les paquets du convoi, on le laissa poursuivre sa route vers l’Alhambra avec le reste de son escorte.

Le vieux gouverneur entra dans une effroyable colère, lors-