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LE PECORONE.

lui dit : Porte cela à celle à qui j’appartiens tout entier, et assure-la que le drap, que mon âme et mon corps sont pour toujours à sa disposition. À l’instant même, la servante remplit sa commission auprès de sa maîtresse, et dit : — Madame, Buondelmonte dit que le drap, son âme et son corps sont pour toujours à vos ordres. La dame prit le drap, et après l’avoir bien examiné, va, dit-elle, et apprends à mon cher Buondelmonte que je le remercie bien, qu’il se tienne prêt, afin que sitôt que je le ferai prévenir, il se rende auprès de moi. La commission fut faite, et Buondelmonte répondit qu’il était tout préparé à faire ce qui plairait à la dame. Or, celle-ci, voulant prendre le meilleur biais pour accomplir ses projets, fit semblant d’être malade. Le médecin vint aussitôt. Après quoi la dame assura qu’elle serait placée plus tranquillement dans une chambre au rez-de-chaussée, ce qui fit qu’à l’instant même son mari ordonna de préparer une chambre par bas, dans laquelle on eut soin de mettre tout ce qui pouvait être nécessaire et commode pour la malade. Les choses ainsi préparées, la dame coucha dans sa chambre, assistée par une camériste et sa servante. Le mari, chaque soir, au moment où il rentrait à la maison, demandait : — Et ma femme, comment va-t-elle ? Puis, après être resté quelques moments avec elle, il montait dans sa chambre pour se coucher. De plus, chaque matin et chaque soir, le médecin venait visiter la malade et s’assurait que tous les soins nécessaires lui étaient donnés. Enfin, quand la dame jugea l’occasion favorable, elle envoya dire à Buondelmonte de venir la trouver la nuit suivante sur les trois heures, retard qui paraissait devoir durer mille ans à Buondelmonte. Dès qu’il fut temps, celui-ci, après s’être bien armé, se mit en marche. À peine fut-il arrivé à la porte de la dame, et eut-il frappé doucement, qu’on ouvrit et qu’il entra. Alors la dame le prit par la main, le mena dans la chambre, le fit asseoir à côté d’elle et lui demanda comment il se portait. — Madame, répondit Buondelmonte, je suis toujours bien, quand je sais que vous êtes favorablement disposée pour moi. — Eh bien ! reprit la dame, je suis restée huit jours au lit pour accomplir plus mystérieusement mon projet ; je vous dirai