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Pas une lame d’or à leurs flancs vermoulus ;
De toute leur splendeur il ne leur reste plus
Que la forme première, et la belle harmonie,
Dont les a, tout enfant, revêtu le génie ;
La forme et des contours, voilà tous leurs appas.
Ô Romains d’aujourd’hui ! si l’art ne vous prend pas,
Du moins par piété respectez des victimes,
Souvenez-vous toujours des paroles sublimes
Que la lyre divine, en des temps de malheurs,
Envoyait courageuse aux saints dévastateurs.
Les temples, quels qu’ils soient, sont les âmes des villes ;
Sans eux, toute cité n’a que des pierres viles ;
Du foyer domestique et du corps des vieillards
Les monumens sacrés sont les derniers remparts ;
Puis, lorsque sur la terre ils penchent en ruines,
Leurs ruines encor sont des choses divines,
Ce sont des prêtres saints que l’âge use toujours,
Mais qu’il faut honorer jusqu’à leurs derniers jours.
Hélas ! tel est le train de ce monde où nous sommes,
Et l’art entre si peu dans la tête des hommes,
Que mes cris dans ces lieux vainement écoutés
S’en iront sans échos par les vents emportés.
L’homme ici ne croit plus qu’aux choses que l’on touche,
Au pain qu’on mange, au vin qui réjouit la bouche,
À la gorge en fureur qui bondit sous la main,
Et puis au coutelas qui vous perce le sein.
Pour le reste, néant ; sous ces paupières brunes
Peuvent s’amonceler des torrens de fortunes,
La terre peut trembler sous les plus hauts destins,
Des fronts peuvent jaillir les chants les plus divins,