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Convention. On lui conta qu’un jeune membre de l’assemblée avait été mis en pièces sous les yeux de ses collègues, et que sa tête avait été promenée sur leurs bancs. Un combat meurtrier avait eu lieu dans la salle même des séances, et pendant ce combat, les bancs de la Montagne, occupés par les anciens partisans du comité de salut public, encourageaient à grands cris les insurgés à massacrer leurs collègues. C’était, lui dit-on, le dernier effort des terroristes et leur soupir d’agonie ; mais il ne put s’empêcher de songer que la philosophie et la civilisation étaient encore loin d’être enracinées dans la nouvelle république.

Ce fut là le premier désappointement politique de Benjamin Constant : vous voyez qu’il ne se fit pas attendre. Il reconnut bientôt, il est vrai, à sa grande satisfaction, que les beaux jours de la populace étaient passés. Le terrible faubourg Saint-Antoine s’était laissé insulter par la jeunesse dorée, et ses lanternes n’avaient cependant pas cessé de se balancer dans les airs ! Les canons, qui plus tard, remis dans les mains de Bonaparte par la Convention, devaient foudroyer à leur tour les modérés, étaient tournés contre le bas peuple qui ne résistait pas. Les intrépides bataillons sans-culottes de Montreuil et de Popincourt se laissaient désarmer par quelques enfans en cadenettes, qui étaient impatiens d’aller conter le soir leurs exploits dans les salons de la Chaussée-d’Antin, entre une gambade de Trénis et une romance de Garat ; et les derniers Romains, les vieux conventionnels de la Montagne, décrétés comme les Girondins, s’étaient eux-mêmes frappés à coups de couteau et de ciseaux, comme les restes du parti de Camille Desmoulins, pour échapper au bourreau et aux huées de la place publique. C’est à cette vue, peut-être, que Benjamin Constant conçut son ouvrage des Réactions politiques et son livre des Effets de la terreur, qu’il publia plus tard, et qui furent les points de départ de toute sa vie, consacrée jusqu’au dernier jour à défendre la liberté, sans la rendre responsable des excès dont elle a été le prétexte.

Benjamin Constant vit bientôt, en France, un beau spectacle qui lui fit oublier celui-ci. Je veux parler de la promulgation et de l’acceptation de la constitution de l’an iii.

Il a beaucoup été question cette semaine, à Paris, de la consti-