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de Saint-Sernin, qui a été achevée telle qu’on la voit aujourd’hui en 1097, Je la regarderais volontiers comme le modèle le plus complet du genre roman qui existe en France. Elle a la forme d’une croix latine extrêmement allongée ; son extérieur est très simple, et a cet air de forteresse qui distingue les églises de cette époque ; le clocher en étages successivement rétrécis, surmonté d’une flèche, et à fenêtres en ogive triangulaire, produit tout l’effet d’une pyramide. Malheureusement ce clocher et tout l’extérieur ont été victimes d’un ridicule badigeonnage qui a coûté 10,000 fr., tandis qu’on négligeait les réparations les plus urgentes. Le latéral du midi a deux portails également remarquables : le premier, précédé par une arcade de la renaissance, est très curieux par les sculptures de ses chapiteaux qui représentent le Massacre des Innocens, et autres sujets sacrés, dans le goût le plus primitif ; le second est plus grand et plus moderne : les chapiteaux des colonnes représentent les sept péchés capitaux. Dans une chapelle grillée, à côté de ce dernier portail, se trouvent les tombeaux de trois comtes de Toulouse du onzième siècle, trop dégradés pour offrir un très grand intérêt. L’intérieur de cette belle église a échappé aux badigeonneurs modernes, grâce au bon esprit de son ancien curé, comme je l’ai déjà raconté. Il serait à désirer que son successeur fût animé des mêmes dispositions ; on ne le verrait pas alors faire ouvrir, uniquement pour sa commodité particulière, une porte dans la chapelle de la croisée septentrionale, où furent déposés les restes de Henri, duc de Montmorency, la plus noble victime de Richelieu. La triple nef, très longue et très étroite, offre une perspective d’une rare beauté ; la voûte, très haute, est parfaitement cintrée ; les grosses colonnes des arcades inférieures ont été équarriées et défigurées ; mais la galerie supérieure en plein cintre est excellente, ainsi que tout le chœur. Les boiseries des stalles, sculptées au seizième siècle, sont dignes d’être observées ; on y reconnaît l’esprit satirique et les passions violentes de cette époque ; dans l’une des stalles, on voit un porc assis dans une chaire, en rase campagne, avec cette inscription Calvin le porc preschant. Dans les chapelles du pourtour du chœur, il y a des châsses en bois qui sont de curieux modèles d’architecture ecclésiastique très ancienne : entre ces chapelles sont placées les statues des comtes et comtesses de Toulouse, qui ont été bienfaiteurs de cette église : plusieurs de ces statues sont d’une expression touchante, et toutes sont d’un très grand intérêt historique. Les peintures fort anciennes de la voûte du chœur représentent Notre-Seigneur entre les symboles des quatre évan-

    peut déjà apprécier la grandeur du plan et l’élégance des détails… Le Musée de Toulouse présentera un aspect monumental inconnu dans nos contrées ! »