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n’en ayez nulle obligation au poète ; c’est que le plan ou la situation l’amenait, mais il ne la cherchait pas. Leur but à tous, leur but unique, a été d’amuser le public et de s’en faire applaudir. Du reste, aucune trace de philosophie, aucun désir de perfectionnement, aucune pensée de civilisation. On dirait que les auteurs et le public étant tombés d’accord que rien de bon ne pouvait sortir d’un amusement réprouvé par l’église et traité de péché honteux dans le confessionnal, il fallait en prendre son parti et se résigner à considérer le théâtre comme un mauvais lieu. Cette opinion, mise en pratique ingénument, doit sembler d’autant plus singulière que la plupart des auteurs qui ont suivi la carrière du théâtre appartenaient à l’état ecclésiastique. Ainsi les cinq grands maîtres de la scène espagnole, Lope de Vega, Calderon, Moreto, Tirso de Molina et Solis, étaient prêtres. Cela pourrait donner matière à bien des réflexions ; mais elles n’appartiennent plus à mon sujet[1].

En traçant cette esquisse du théâtre espagnol depuis les essais demi dévots, demi profanes, du moyen âge jusqu’à nos jours, et en faisant connaître, au moins par leurs noms et la nature spéciale de leur talent, les auteurs qui ont brillé sur la scène espagnole aux diverses époques, je me suis borné à l’histoire de la comédie proprement dite ; il faut revenir à celle d’une autre branche de ce théâtre, de la tragédie, que j’ai dû négliger, parce qu’elle ne pouvait entrer, sans quelque confusion, dans le récit principal.

On a vu le théâtre et la comédie naître en Espagne plus tôt qu’en aucun autre pays de l’Europe, sans imitation, par la force des mœurs,

  1. Je crois devoir indiquer, pour ceux qui voudraient faire une étude approfondie du théâtre espagnol, les meilleures pièces des principaux auteurs :

    Lope de Vega : La moza de cantaro. — La dama melindrosa. — Los milagros del desprecio. — La esclava de su galan. — La bella mal maridada. — Por et puente, Juana. — Amar sin saber á quien. — El perro del hortelano. — El acero de Madrid. — El anzuelo de Fenisa. — La hermosa fea. — Lo cierto por lo dudoso, etc. —

    Calderon : La dama duende. — Casa con dos puertas mala es de guardar. — El secreto á voces. — No hay hurlas con el amor. — Peor esta que estaba, etc. —

    Moreto : El desden con el desden. — Trampa adelante. — No puede ser