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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/603

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REVUE. — CHRONIQUE.

endurer sur le banc de douleur de la chambre où sans doute il envie le sort agréable de ces condamnés de Saint-Michel, qui vont mener une vie qu’il nous a peinte sous des couleurs vraiment séduisantes.

Les soins que M. Thiers accorde à son prochain établissement, ne l’ont pas empêché de s’occuper avec sollicitude de son ministère. Il a commencé à défendre avec succès à la chambre ce fameux projet d’un emprunt de cent millions, destinés à faire des routes, et à achever les monumens de ce Napoléon qui n’achevait rien, au dire de notre jeune ministre. Si l’on en croit quelques personnes qui se disent bien informées, l’existence politique de M. Thiers se trouverait tout-à-fait consolidée par l’adoption de ce projet. Un très haut personnage s’intéresse beaucoup, dit-on, à ces cent millions, dont quelques-uns passeraient dans les coffres de la liste civile. Il est déjà convenu, ajoute-t-on, entre le ministre et qui de droit, que la bibliothèque royale sera transférée au Louvre, et que pour mettre le propriétaire actuel de ce palais en état de recevoir dignement le dépôt de nos richesses nationales, on lui paiera sur les cent millions qu’on demande, la bagatelle de dix-huit millions. Les architectes autres que M. Fontaine ont beau alléguer qu’il faut dix-huit mille mètres d’étendue pour placer les livres de la bibliothèque, et qu’il ne s’en trouve que six mille à prendre dans le Louvre, on leur répond, l’œil fixé sur les dix-huit millions, qu’on prendra mille mètres dans une partie du bâtiment, et mille mètres dans une autre, cent mètres dans les combles et cent mètres dans les caves, et que tout ira bien. Puis, M. le ministre du commerce, bon courtisan, comme on sait, s’écrie, en sautillant, que les savans ont de bonnes jambes, qu’ils pourront monter et descendre pour visiter les gravures, les manuscrits et les livres, et que d’ailleurs on leur fera deux beaux escaliers. — Aussi beaux que celui des Tuileries que vous venez d’abattre ? lui répondait hier un spirituel architecte à qui il s’adressait. Il est inutile d’ajouter que ce n’est pas M. Fontaine.

Ce qui paraît plus certain, c’est que les dix-huit millions seront donnés à la liste civile, et que la bibliothèque royale restera où elle est. Qu’importe d’ailleurs à M. Thiers ? Ne disait-il pas dernièrement en riant, à quelqu’un qui lui reprochait d’avoir galamment fait acquérir par le gouvernement, sur une recommandation féminine, un tableau reconnu pitoyable par lui-même : La chambre nous oblige-t-elle à acheter de bons tableaux ?

Qu’espérer d’une telle insouciance et du cynisme porté à un si haut degré dans les affaires du pays ?

En attendant que M. Thiers, le protecteur des arts, relève et régénère le Théâtre Français, M. Véron soutient l’éclat du sien, et protège l’art en