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Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/61

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IMPRESSIONS DE VOYAGES.

— C’est mon secret.

— Vous refusez !

— Je refuse.

— Ne me forcez pas de vous dire ce que vous êtes.

— Hier j’étais un espion, aujourd’hui je suis un voleur ; je me suis dit ces choses avant vous.

— Et si je vous les répétais !

— Vous êtes de trop bon goût pour le faire.

— Alors vous me rendrez raison sans cela !

— Sans doute.

— À l’instant même ?

— À l’instant même.

— Mais c’est un duel implacable, un duel à mort, je vous en préviens.

— Aussi vous me permettrez de faire mes dispositions testamentaires, elles ne seront pas longues. — Je sonnai. Mon valet de chambre entra ; c’était un homme éprouvé sur lequel je pouvais compter.

— Joseph, lui dis-je, je vais me battre avec monsieur, et il est possible qu’il me tue. — J’allai à mon secrétaire que j’ouvris. — Aussitôt que vous me saurez mort, continuai-je, vous prendrez ces lettres, et vous les porterez au général M… Ces 10,000 fr. qui sont dans le même tiroir seront pour vous. Voici la clef.

Je refermai le secrétaire, et j’en donnai la clef à Joseph. Il s’inclina, et sortit. — Je me retournai vers Emmanuel.

— Maintenant, je suis à vous, lui dis-je.

Emmanuel était pâle comme la mort, et chacun de ses cheveux avait une goutte de sueur.

— Ce que vous faites là est bien infâme ! me dit-il.

— Je le sais.

— Il se rapprocha de moi.

— Si vous me tuez, rendrez-vous ces lettres à Caroline au moins ?

— Cela dépendra d’elle.

— Que faut-il donc qu’elle fasse pour les ravoir ? voyons…

— Il faut qu’elle vienne les chercher.

— Ici ?

— Ici.