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LITTÉRATURE ANGLAISE.

temps, Hogg s’était mis en secret à l’œuvre ; et voilà qu’au moment où l’on s’attendait à ne plus rien voir paraître de lui, il surprit le public par sa Veillée de la Reine (the Queen’s wake). Alors ceux qui l’avaient dédaigné recherchèrent son amitié ; les grands seigneurs se prirent pour lui d’une belle admiration, et quelques joyeux habitans d’Édimbourg le rencontrant dans la rue, le saluèrent en dialecte d’Écosse.

« Pourquoi diable avoir gardé si long-temps dans votre tête ce beau poème, et nous avoir ennuyés de vos critiques et de vos absurdes chansons ? Ma foi ! la Veillée m’a empêché de dormir… C’est un succès, un très beau succès ! »

Le poème est écrit d’une manière inégale, et il ne pouvait guère en être autrement. C’est une suite de chants composés par plusieurs ménestrels, en l’honneur de la reine Marie, et rejoints l’un à l’autre par une narration amusante et pittoresque. Mais quelques-uns de ces morceaux s’élèvent à une grande hauteur sous le rapport de l’invention et de l’exécution. Il y a, dans celui de l’abbé d’Ége, beaucoup de facilité, de force et d’harmonie, et l’histoire de la belle Kilmeny est pleine de grace, de douceur et d’originalité ; tout le recueil offre tant d’images poétiques et de naturel, que les critiques les plus difficiles n’osèrent le blâmer, et que le public l’accepta comme un ouvrage moral, intéressant et de premier ordre. Il s’y trouve encore d’autres passages, à peu de chose près aussi beaux que ceux dont nous venons de parler, mais d’un genre tout différent ; telle est la Sorcière de Fife (the Witch of Fife) ; c’est une ballade où l’on trouve autant d’imagination, mais peut-être moins de véritable originalité que dans les précédentes.

Le poème de Hogg obtint un grand succès, et lorsqu’il fut parvenu à sa troisième édition, les rédacteurs de la Revue d’Édimbourg en reconnurent le mérite et parlèrent favorablement de l’auteur. Mais leurs airs de protection devaient offenser un poète d’une nature d’ame indépendante, qui demandait de la renommée, et non pas des aumônes.

Hogg publia encore les Pélerins du soleil (the Pilgrims of the sun), le Miroir poétique (the poetic Mirror), où l’auteur prit à tâche d’imiter le style de chacun des principaux poètes vivans, et y réussit assez bien ; Mador des Landes, poème en cinq chants, où se trouvent beaucoup de choses étranges, et enfin la Reine Hinde, dont le sujet remonte au temps où les Danois, abordant sur les côtes anglaises, semaient la désolation dans le pays.

Le premier des grands poèmes de Hogg fut publié en 1815, le dernier en 1825 ; mais aucun d’eux ne peut être mis à côté de la Veillée de la Reine, pour la facilité, l’éclat du style, et l’admirable variété que l’on