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LE MARQUIS
DE SANTILLANE.



Le règne de Jean ii, roi de Léon et de Castille, dans la première moitié du xve siècle, présente une des phases remarquables de la littérature espagnole. À travers les difficultés de sa carrière royale, ce prince conduisit le char de l’état d’une main mal assurée, et l’histoire a pu être sévère envers lui, sans cesser d’être juste ; mais il aima, il cultiva même les lettres et les arts, et sa cour réunit l’élite des poètes castillans de cette époque. Au nombre de ces plus beaux fleurons de sa couronne brillèrent plusieurs grands du royaume ; car le preux chevalier de la terre du Cid en fut souvent aussi le troubadour, et la poésie y est une plante si vivace, qu’on l’y voit croître au milieu même des champs de la discorde civile et de la guerre étrangère. Il en est de l’Espagne comme du Portugal, dont un historien a dit que chaque fontaine est une Hippocrène, chaque montagne un Parnasse. Depuis ses premiers bégaiemens jusqu’à la fin du xive siècle, la poésie castillane resta vierge de toute influence exotique ; elle vécut des seuls alimens que lui fournissait le sol de la patrie, qui allait s’agrandissant à mesure que le