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LE MARQUIS DE SANTILLANE.

nesse, que j’ai retrouvés lorsque j’ai cru en avoir besoin ; et, comme dit Horace :

Quem nova concepit olla servabit odorem[1]

« Mais de tous les poètes en langue romance, aussi bien Italiens que Provençaux, Limousins, Catalans, Castillans, Portugais, Galiciens, ou de quelque nation que ce soit, ce sont les Français de la province d’Aquitaine qui marchent les premiers, et qui ont fait le plus de gloire et d’honneur à leur art. Dire de quelle manière, c’est ce que je n’essaierai pas à présent, d’autant que j’en ai parlé dans le prologue de mes proverbes. Cet aperçu, auquel mieux que moi encore pourraient beaucoup ajouter ceux qui en savent davantage, servira à vous faire sentir quelle estime mérite cette science recommandable, et combien vous devez vous féliciter que les vierges qui entourent l’Hélicon de leurs danses perpétuelles vous aient admis, non sans justice, dans leur compagnie, à un âge si tendre. C’est pourquoi, seigneur, autant que je puis, je vous engage à ne point cesser d’employer votre esprit élevé et votre plume à l’étude des beautés de la poésie et des règles de l’art, tant que Clothon conduira la trame de vos jours, afin que, quand Atropos en coupera le fil, les honneurs de Delphes ne vous manquent pas plus que la gloire de Mars. »

L’examen critique de toutes les questions littéraires effleurées dans cette préface m’entraînerait bien au-delà des bornes qui me sont ici imposées. Je me restreins donc à quelques courtes observations, pour ainsi dire, obligées.

Le consistoire de la gaie science, fondé à Toulouse au commencement du xive siècle, fut comme une restauration de la poésie provençale, tombée en décadence après l’éclat dont elle avait brillé durant les deux siècles précédens. C’est de Toulouse que, sous le nom de gaie science ou de gai savoir, l’art des troubadours passa

  1. Quo semel est imbuta recens, servabit odorem.

    Testa diù. Epist. lib. 1, 2.

    Jusqu’ici j’avais restitué les citations inexactes de Santillane ; mais j’ai voulu donner un exemple de la manière dont il altère les textes. Il ne traite guère mieux les noms propres, dont j’ai rectifié l’ortographe autant que j’ai pu le faire.