de vénération, un saisissement religieux, un frisson de pieuse extase. Il y a dans le style et l’aspect du législateur hébreu quelque chose de majestueux et d’inaccoutumé que la pratique de l’art la plus savante et la plus profonde ne suffit pas à révéler. On peut blâmer tout à son aise les gaucheries bizarres ou les ignorances puériles qui éclatent dans l’ajustement de la draperie. Ce serait perdre son temps que de vouloir défendre ce qui importe si peu à la gloire de l’artiste. Il y a dans le Moïse une beauté plus qu’humaine, une beauté divine, éternelle, qui se passe très bien de la convenance extérieure, de la vérité relative que les livres enseignent à la foule ; le regard austère et recueilli de cet homme, qui a vu Dieu, qui lui a parlé, et qui, après avoir pris ses ordres, a conduit son peuple au but désigné, renferme une puissance inexplicable, le souvenir encore présent de la divine parole, un dédain superbe pour la multitude mutine, et en même temps une résignation entière, une abnégation absolue, un dévouement sans réserve.
Ce qui étonne surtout dans le Moïse, c’est la simplicité des moyens employés par l’artiste, c’est la vérité des lignes, l’attitude naïve du personnage. C’est un marbre qui pense, qui prévoit, qui se parle à lui-même, qui cherche parmi les flots confus des siècles évanouis la destinée des siècles à venir, qui épie l’ombre de sa pensée et s’y repose ; c’est une ame qui n’est pas encore dieu, mais qui n’est plus homme ; qui a connu la souffrance pour la comprendre et la secourir, mais qui a dû ignorer les passions et les misères de la vie commune. De ces orbites profonds, de ces paupières d’où le regard déborde et plonge si avant dans les choses qui ne sont pas encore, des larmes ont dû couler, mais des larmes généreuses et sympathiques. Moïse a pleuré, mais pleuré sur les plaies qu’il ne pouvait cicatriser. Si parfois il s’est agenouillé pour prier Dieu de le reprendre et de le rappeler à lui, il a bientôt rougi de cette faiblesse passagère. Il s’est relevé de cette invocation plus courageux et plus fort ; il s’est promis de ne plus implorer le ciel que pour l’ignorance aveugle ou le vice entêté.
Il est vieux, et la neige de sa chevelure laisse déjà soulever au vent ses flocons éclaircis. Mais comment a-t-il vieilli ? A-t-il connu des années plus jeunes et moins sages ? Les rides qui se lisent à son