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lement anglais, sous les yeux duquel passent tant d’affaires de toute espèce), Brougham se montre moins supérieur. Cependant la plupart de ses tentatives en ce genre, surtout son célèbre discours sur la législation anglaise (1827), ne donneront pas une médiocre idée de ce qu’il peut sous ce rapport. Ce discours, qui dura sept heures, embrassait une multitude de détails qui montrent que l’orateur était résolu à prouver au monde que, malgré ses qualités brillantes, il pouvait rivaliser avec les plus habiles et les plus adroits dans la spécialité même de leur talent. Ce désir de briller qui accompagne si souvent l’ambition la plus élevée, forme un des traits les plus saillans du caractère de lord Brougham. Il recherche les applaudissemens du monde, principalement sur le point où lui-même sent sa faiblesse. De grands succès dans un genre spécial rendent souvent les hommes d’une haute intelligence mécontens de leurs propres triomphes, et font qu’ils s’exagèrent ceux qu’obtiennent leurs rivaux à l’aide de facultés qu’eux-mêmes n’ont pas reçues. C’est ainsi que lord Byron soutenait que l’école classique de Pope et de ses imitateurs avait produit les modèles les plus parfaits de la poésie anglaise ; et Brougham, dans ses divers écrits, en traitant de matières de goût (spécialement dans son discours inaugural adressé aux étudians de Glasgow qui l’avaient élu, en 1825, recteur de leur université), représente sans cesse l’étude des anciens modèles comme la seule propre à former l’orateur. Démosthènes et Dante sont ses deux auteurs favoris, qu’il a toute sa vie recommandés aux gens de lettres, pour leur commune concision et leur commune sobriété. « Soyez persuadés, dit-il, que les ouvrages du ciseau anglais ne sont pas moins au-dessous des merveilles de l’Acropolis, que les meilleures productions de nos plumes ne sont au-dessous des compositions chastes et achevées, nerveuses et irrésistibles des hommes dont la voix tonnait dans la Grèce. Les modernes, ajoute-t-il, dépassent toujours le but, ils ne savent et ne sentent jamais quand ils en ont dit assez. » Ailleurs, il recommande à l’orateur qui débute de ne pas se fier à la dangereuse facilité de l’improvisation, mais d’écrire à plusieurs reprises ses discours, afin d’acquérir cette simplicité étudiée qui constitue la plus haute perfection. Cependant le style de lord Brougham est précisément l’opposé de celui des orateurs grecs. Au lieu d’être concis, il est