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pour lui tout embarras. Le fer aiguise le fer. L’absence d’assaillans rudes et implacables, d’esprits ardens et prêts à entrer en collision avec le sien, a émoussé le tranchant de son génie. Son principal amusement a consisté en escarmouches fréquentes, souvent au détriment de la dignité qu’il porte, et surtout lorsqu’il a des champions tels que les lords Winfford et Ellenborough.

Le trait principal de l’histoire du ministère actuel, ç’a été la discussion du bill de réforme dans les deux chambres du parlement, au milieu de scènes d’exaltation telles que l’histoire d’Angleterre n’en offre point de semblables depuis le temps de Guillaume iii. Trois fois la mesure proposée a été sur le point d’être abandonnée : d’abord, en conséquence de la motion du général Gaskoyne (que le nombre des représentans ne serait pas diminué), à laquelle les ministres répondirent en dissolvant le parlement ; en second lieu, lorsqu’en octobre de la même année les lords rejetèrent le bill, ce qui en amena un nouveau, avec des conditions très peu différentes des précédentes ; enfin, en avril 1832, quand, après une décision défavorable dans la chambre des lords sur un de ses articles, les ministres jugèrent convenable de résigner leurs fonctions, qui leur furent rendues par le vœu fortement exprimé de la nation.

Dans la première de ces circonstances, Brougham montra beaucoup d’emportement, en déclarant aux lords que le roi était déterminé à dissoudre un parlement qui avait refusé les subsides, assertion fondée uniquement sur quelques délais fortuits de votes financiers dans les communes, résultat de l’exaltation qui dominait alors. Dans les grands débats qui précédèrent le second de ces événemens, Brougham prononça un des discours qui sont généralement considérés comme ses chefs-d’œuvre. Certainement c’est l’un des plus étudiés. Cependant il y avait une certaine froideur dans la composition, et de la part de l’orateur quelque chose du sentiment d’un rôle joué, qui rendit son effet bien différent de ceux dans lesquels il avait déployé auparavant et tout ensemble son ame, sa passion, son imagination, son intelligence. La dernière partie de ce discours présente des fragmens d’une grande beauté, et fait connaître à merveille les singularités du style de Brougham, surtout en cet endroit où il décrit l’état agité du pays. « Ces signes