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plus étranges hypothèses, qui se réunissaient toutes dans l’exclusion formelle de la rondeur de la terre. Saint Augustin, Lactance, saint Basile, saint Ambroise, saint Justin martyr, saint Jean Chrysostôme, saint Césaire, Procope de Gaza, Sévérianus de Gabala, Diodore de Tarse, etc., ne permettent pas que le vrai chrétien conserve là-dessus le moindre doute.

Il faut convenir que si les phénomènes naturels n’étaient pas là pour contredire le texte, l’interprétation littérale serait sans réplique ; l’explication que les Pères donnent de la Bible et les conséquences qu’ils en tirent seraient également incontestables. Ce n’est vraiment qu’à l’aide des interprétations les plus forcées qu’on peut voir dans ce texte autre chose que ce qu’ils y ont vu. Ce n’est qu’en changeant le sens naturel des mots, en bouleversant la suite des idées, que les géologues bibliques, depuis Burnet et Whiston jusqu’à Kirwan et Deluc, ont pu réussir à faire accorder la Genèse avec leurs idées. Telle est par exemple leur explication favorite du mot jour, dans le récit de la création ; selon eux, ce n’est pas un espace de vingt-quatre heures, c’est un intervalle de temps indéterminé qui a pu être immense. Deluc et ses imitateurs n’aperçoivent que ce moyen de se procurer le temps nécessaire pour la formation des diverses couches qui composent l’écorce du globe. Mais c’est acheter bien cher l’avantage de faire de Moïse un géologue ; car cette fameuse interprétation, contraire à l’ensemble du texte, le rend complètement inintelligible. Adoptée ou plutôt tolérée en désespoir de cause par quelques théologiens concilians[1], elle a toujours été rejetée du plus grand nombre, catholiques ou protestans, parce qu’elle ne donne à Moïse l’apparence du savoir géologique qu’en lui ôtant jusqu’à l’ombre du sens commun[2]. Ce récit demeure véritablement inexplicable, lorsqu’on part du point de vue scientifique, mais il devient clair et facile, comme le reste du premier chapitre de la Genèse, quand on ne veut y voir que l’expression naïve de ces idées élémen-

  1. Frayssinous, Défense du Christianisme, ii, p. 202-203 ; 1825. in-12.
  2. Bergier, Dict. de Théol., art. jour. — Les Bénéd., auteurs de l’Art de vérifier les dates, avant l’ère chrét., p. 106, in-4o. — Rosenmüller in Pentat, i, p. 58-59. — Eichhorn, Urgeschichte, P. i, p. 151, etc.