où il espère trouver le repos et le bonheur. Mais à peine a-t-il pris pied, qu’il se dégoûte de l’inaction et de la paix. Il veut repartir.
Dona Anna, plus belle, plus idéale, moins crédule et moins confiante, plus difficile à conquérir, lui semble une proie digne de lui ; il veut l’avoir, il l’aura ; pour l’obtenir, il ne reculera, ni devant l’adultère, puisqu’Elvire est sa femme, ni devant le meurtre, car il mettra l’épée à la main, si le père de dona Anna vient redemander sa fille. Le commandeur n’entre en scène que pour tomber mort aux pieds de don Juan.
La seconde maîtresse a le sort de la première : désirée, elle était sans prix ; possédée, elle ne vaut plus un regard. C’est le tour de Zerline. Une jeune fiancée, pleine d’innocence et de candeur, réveille une dernière fois le cœur blasé de don Juan. Cette nouvelle ambition, d’autant plus vive qu’elle est plus singulière et plus neuve, doit se réaliser comme les autres. L’énergique volonté du libertin désespéré aura bon marché de cette vertu ignorante qui ne sait pas se défendre contre l’étonnement. L’heure de la vengeance arrive. Dona Elvire et dona Anna arrachent don Juan aux bras de Zerline.
La mesure est comblée ; les hommes ne suffisent plus au châtiment de don Juan, c’est le ciel qui doit s’en charger. Don Juan répond aux solennelles menaces de la statue du commandeur par un défi hautain. Il l’invite à sa table.
La partie est perdue, mais don Juan ne veut pas lâcher pied ; il s’enivre joyeusement en attendant son convive de pierre ; on frappe à la porte ; entre le commandeur. Don Juan veut lui serrer la main. Il se sent pris dans un étau inexorable. Plus de fuite possible, la terre s’ouvre, don Juan s’abîme, l’enfer l’engloutit. Dona Elvire, dona Anna et Zerline sont vengées.
Ainsi le désespoir et l’orgueil, l’élégie et le drame, se marient dans le type de don Juan. La comédie ne suffisait pas, l’ironie n’était qu’une interprétation incomplète, la douleur de la rêverie en présence de la réalité laissait encore dans l’ombre une partie de cette ame prodigieuse. L’orgueil achève le tableau et justifie le châtiment.
C’est, je crois, le type que Mozart avait dans sa pensée, lorsqu’il a écrit la partition de Don Giovanni.