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REVUE DES DEUX MONDES.

Les chevaux de bronze hennissent
Et leurs étriers retentissent.
Sur le fer de lance qui luit,
L’aigle sans peur a fait son nid.

Le tambour bat ; le clairon sonne ;
Sous les pas tremble la colonne.
Où vont ces fantassins de fer
Qui dans leurs yeux ont un éclair ?
Où vont ces cavaliers sans brides
Qui les autans ont pris pour guides ?
Leur maître a dit : « C’est le matin
De Marengo sans lendemain. »

Où vont ces lances, ces trophées ?
Où vont ces casques, ces épées ?
Où vont ces canons ciselés
Qui roulent sans être attelés,
Et ces capitaines que souille
De cent mille siècles la rouille ?
Ils montent, montent jusqu’aux cieux ;
La tour aussi monte avec eux.

Elle grandit avec l’espace,
Et sur elle-même s’entasse.
Plus que Babel haute cent fois,
Elle a sur les rêves des rois
Mis son pied et bâti sa cime ;
Sa porte est ouverte à l’abîme ;
Ses balcons dans l’air sont dressés
Sur tous les projets renversés.

Son créneau que l’éclair sillonne,
Chancelle comme une couronne
Sur une tête de géant.
Sur son perron il pleut du sang.
Ainsi qu’un sabre de bataille,
La foudre pend à sa muraille ;
Les peuples ont bâti son seuil
De la pierre de leur orgueil.