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Page:Revue des Deux Mondes - 1834 - tome 4.djvu/214

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REVUE DES DEUX MONDES.

celle de brocard et de broderie. La pauvreté se cache sous les diamans ; l’ardente jeunesse accourt vers ces écoles de galanterie, de luxe, de savoir-vivre, de bien dire, et de mal faire. Tout le monde devient courtisan. C’est à qui inventera les plus mellifluentes périodes, à qui habillera le mieux un rien sonore, à qui platonisera le plus agréablement l’amour. La phrase acquiert une valeur immense ; et, grâce à l’imprimerie, cette valeur se multiplie énormément. La phrase seule crée Bembo cardinal. Heureux qui sait mêler à la phrase vide, creuse, bien sonnante, bien dorée, la conduite, l’intrigue et l’audace ! Il arrive à tout. La cour des princes, et celle de Rome ne sont pour lui que des degrés de marbre qui le mènent à une retraite voluptueuse, baignée de délices, comblée de faveurs, caressée par la renommée, enviée de tous !

Quant aux hommes de génie, leur sort est moins brillant. L’éclat de ces cours les attire ; on les reçoit avec honneur, mais ils sont modestes, un peu fantasques et toujours mal compris. Ce que l’on fait de plus pour eux, c’est de les vêtir et de les loger ; Arioste et le Tasse languissent ainsi : traités comme des oiseaux de brillant ramage, mal nourris, admirés et délaissés. Plus leur talent est énergique, tendre ou profond, moins ils se plient à cette misérable existence, à ce traité qui leur permet de rester esclaves au milieu des cours, et de recevoir quelques écus, salaire incertain d’un génie incertain. Les intrigans et les impudens s’enrichissent, brillent, prélèvent la dîme sur cette société étourdie et vaine. Ceux-là sympathisent avec elle, la captent, saisissent ses penchans, ses vices et ses faiblesses, profitent de ses momens d’abandon et obtiennent tout de son ignorance. La grande estime que l’on professe pour les arts leur sert d’instrument ; leur audace et leur souplesse l’exploitent. Les parasites affluent chez les princes et sont bien payés ; les charlatans vivent largement et grassement aux dépens des altesses ; l’absurde Delminio se promène en Italie, extorquant de l’argent aux seigneurs, en leur promettant la création d’un nouveau Théâtre, « où se trouverait l’infini. »

Paul Jove, chargé par le pape d’écrire les biographies contemporaines, vend l’éloge ou le blâme de sa plume : je serais frais[1],

  1. Io starci fresco.