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si divers, et pour la plupart si étroitement passionnés. Ce qu’il y a de momentanément hostile à la France dans cette union a préoccupé beaucoup de bons esprits, au point de leur dérober toute l’importance de cette combinaison pour le maintien de la paix en Europe, et le développement du travail et de la civilisation. Faisons effort pour nous élever, quand nous jugeons les actes de nos voisins, au-dessus d’un étroit et exclusif esprit de nationalité. Ayons d’ailleurs assez de foi aux destinées de la France pour croire qu’une mesure évidemment progressive, et libérale en elle-même, ne peut pas en définitive être contraire à notre pays.

Lorsque la politique industrielle des principales nations d’Europe sera plus libérale, et que l’on songera à faire tomber les barrières de douanes qui morcellent cette partie du monde, comme l’Allemagne l’était en 1833, et la France en 1789, on sentira toute la portée de l’union commerciale de l’Allemagne, qui, en constituant un seul intérêt, aura apporté une si précieuse facilité dans les négociations relatives à l’affranchissement industriel des sociétés européennes ; et n’oublions pas qu’au sein de cette association, un des pays contractans entretient les traditions les plus favorables à la liberté commerciale.

« L’association commerciale a fait pour l’Allemagne, a dit le Journal des Débats, le 12 septembre dernier, ce qu’a fait pour la France l’abolition des barrières qui séparaient, en 1789, nos diverses provinces ; elle a créé la liberté du commerce intérieur, mais elle n’a rien fait pour la liberté du commerce au dehors. » Il y a là une erreur qu’il importe de relever.

De ce que deux ou plusieurs peuples parlent la même langue, doit-on en conclure qu’ils doivent être nécessairement unis par le même tarif, et que toute barrière de douanes doit tomber entre eux ? Pourquoi alors un tarif de douanes entre la Belgique et la France ? S’il y a deux tarifs entre ces deux pays, c’est qu’il y a deux gouvernemens, deux budgets, deux perceptions d’impôts, et de mauvaises traditions soutenues des deux côtés par des intérêts de minorité et des priviléges. Supposez la barrière de douanes abaissée entre la Belgique et la France, quel nom donneriez-vous à un tel acte ? Vous n’auriez pas le choix. Ce serait un acte, un grand acte de liberté commerciale extérieure.

Je ne vois pas qu’il y ait plus de rapports intimes entre les gouvernemens de la Prusse et de la Bavière, du Wurtemberg et de la Saxe, qu’entre ceux de la France et de la Belgique. Lors donc que ces états allemands, dont les intérêts politiques sont certes assez distincts, font tomber entre eux les barrières de douanes, ne dites pas, car cela n’est pas, qu’il n’y a là qu’une mesure de liberté intérieure ; il y a union entre étran-