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et des travailleurs, ils sont hors d’état de soutenir la concurrence étrangère, et que la prohibition des tissus étrangers, la prohibition absolue, doit leur être maintenue jusqu’à ce que toutes ces réformes soient faites, et qu’on en ait obtenu les effets qu’on en peut naturellement espérer.

Mais ce n’est là peut-être qu’une erreur ou qu’une exagération d’Amiens. Voyons Louviers.

« Qu’une diminution graduée et bien conçue des droits et des matières premières fasse cesser des désavantages trop marqués ;

« Que la diminution des impôts, et quelques améliorations au sort de la classe ouvrière, permettent l’abaissement des salaires. »

C’est, on le voit, la même demande qu’Amiens, la même atteinte aux bases du système restrictif. Que dit Sedan ?

« Tout ce qui sert à la production des tissus de coton et de laine ne coûte-t-il pas plus en France que chez nos rivaux ? Il est juste et rationel de procéder d’abord, par tous moyens sagement calculés, à l’abaissement des prix de toutes les matières premières. »

Lille, Rouen, Roubaix, Mulhouse, Tarare, concluent de même en établissant toute leur défense sur le haut prix des matières premières. Or, je le répète, qu’est-ce que le haut prix des matières premières, si ce n’est la base, et la première et la plus grave conséquence du système restrictif ?

Quant à la conclusion dernière de ces villes, savoir, que les prohibitions ne soient levées qu’après que tous les droits sur les matières premières auront été réduits ou abolis, ou, en d’autres termes, que l’on conserve ce que le système douanier a de plus absolu et de plus rétrograde après qu’on l’aura détruit dans ses fondemens, c’est une prétention si exorbitante, c’est une naïveté d’égoïsme si outré, qu’elle ne me paraît pas mériter discussion.

Comment la Prusse et la Suisse, qui n’ont certes pas pour la fabrication des étoffes de coton les avantages de la Belgique et de l’Angleterre, ont-elles donc en ce genre de si beaux établissemens ? l’une n’a ni droits ni prohibitions, et l’autre n’a pas de prohibitions. Dans tous leurs mémoires, si développés cependant, tous les fabricans qui demandent la prohibition, ont oublié de prouver qu’alors qu’on leur rendra les conditions de travail plus avantageuses, par des baisses de droits sur les matières premières, il ne sera pas juste de leur susciter une concurrence plus active, afin que le consommateur ait sa part des bénéfices qu’on aura assurés à la fabrique. Aveuglement ou cupidité, il y a dans cet oubli ou dans cette prétention quelque chose d’indécent, et dont s’indigne le caractère national. Avec de tels enseignemens, l’opinion publique se fait et se mûrit bien vite. —