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Dans l’Introduction générale de l’histoire du droit se trouve, dès l’origine, le culte de la pensée. Il est évident que celui qui en a tracé les pages n’a jamais reconnu d’autre autorité que la souveraineté de l’intelligence. Seulement nous avons débuté par une préoccupation naturelle, mais excessive, des abstractions de l’idéalisme germanique. Aujourd’hui, la pensée n’est plus seulement pour nous l’abstraction, mais elle est la vie même dans toutes ses ramifications et ses richesses ; elle est pour nous l’homme tout entier dans sa constitution morale et physique. Elle est le monde et la nature.

La tradition nous parut aussi, dès le début, la chaîne de diamant qui rattache le genre humain au trône de Dieu, et nous en avons adoré les vestiges à l’école de Vico. Mais, en marchant, nous avons appris que la connaissance et l’imitation du passé ne suffisent pas à l’homme, et que le pain dont on veut le nourrir ne doit pas être pétri avec la cendre des morts. Respect, ah ! respect à la tradition, à cette vie du passé, à ce testament de l’humanité ! Mais sachons y ajouter nous-mêmes nos propres efforts et notre propre caractère ; travaillons à laisser à nos enfans un héritage que nous ayons conquis, un acquêt de notre propre génie, et devenons à notre tour une tradition dont nos descendans puissent relever non sans gloire.

La science, cette forme réfléchie de la pensée, nous parut toujours devoir occuper dans les choses humaines le premier rang. Mais nous étions dans l’origine plus enclins à la chercher dans ses richesses du passé qu’à la solliciter dans ses devoirs et son énergie du présent. Ainsi nous fûmes épris des travaux du moyen-âge et de ceux du xvie siècle. Nous nous souvenons avec quel enthousiasme nous avons secoué la poussière de ces vieux monumens ; mais nous avons cessé de leur apporter en holocauste les droits et la puissance de notre temps.

C’est ainsi que la jurisprudence, après avoir été pour nous tantôt romaine, tantôt féodale, tantôt coutumière, nous a paru enfin devoir être humaine. Le droit n’a plus été pour nous le simple résultat du passé, et nous avons pu dire : Le droit, c’est la vie.

La vie sociale dépend du développement et de l’harmonie des élémens dont nous avons parlé. Si la pensée exerce et garde sa suprématie, si la tradition des âges passés se continue et se transforme par des actes et des idées qui sortent de l’esprit du temps, si la science est originale et énergique, si la loi traduit dans ses prescriptions les théories et les sentimens qui nous sont chers, la santé du corps social n’est pas en danger de défaillir. Nous ne voulons point examiner ici jusqu’à quel degré notre société