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REVUE DES DEUX MONDES.

— Parfaitement.

— Eh bien ! en arrivant au prochain village, tu feras dire à ta mère que ton voyage, au lieu de durer trois jours, durera un mois.

— Merci.

Francesco posa son parapluie à terre et fit la roue. Je reconnus depuis que c’était sa manière d’exprimer un extrême contentement. Je venais de faire un heureux ; il avait fallu, comme on le voit, peu de chose pour cela.

C’était du reste une admirable et naïve confiance que celle de cet enfant qui s’attachait avec tant de candeur et d’abandon à la suite d’un inconnu qui, passant à pied dans son village, le rencontre par hasard et l’emmène par caprice. Il n’y a qu’un âge où une pareille résolution ne puisse être troublée par la défiance : un homme aurait exigé un gage ; cet enfant m’en aurait donné, s’il en avait eu.

En arrivant à Obergestelen, je dis à Francesco que j’étais parti de Brieg le matin ; il me répondit que j’avais déjà fait dix-sept lieues d’Italie : je trouvai que c’était assez pour un jour, et je m’arrêtai à l’auberge.

C’est là que Francesco commença à me rendre service. Il était presque chez lui, puisque nous n’avions fait que deux lieues depuis Munster ; il connaissait tout le monde dans l’auberge, ce qui me valut incontinent la meilleure chambre et un feu splendide.

Je m’étais laissé mouiller jusqu’aux os ; je fis donc, avant de penser au dîner, une toilette d’autant plus délicieuse qu’elle était assaisonnée du sentiment égoïste et voluptueux de l’homme qui entend tomber la pluie sur le toit de la maison qui l’abrite.

J’entendis à la porte un grand bruit ; je courus à la fenêtre, et je vis un guide et un mulet qui venaient d’arriver au grand trot, précédant de cent pas tout au plus quatre voyageurs qui descendaient de la Furca, lorsque l’orage avait commencé, et s’étaient égarés deux heures dans la montagne.

Comme il y avait parmi ces quatre voyageurs deux dames qui me parurent jeunes et jolies, malgré leurs cheveux pendans sur le visage et leurs gigots collés sur les bras, je me hâtai d’ajouter trois ou quatre morceaux de bois au feu ; je roulai vivement en paquet mes effets éparpillés çà et là ; et, passant dans une cham-